Sous l'œil des rayons T

Pour mieux déceler des cancers de la peau ou des caries dentaires, les médecins bénéficieront du renfort des ondes térahertz, intermédiaires entre les micro-ondes et l'infrarouge.
Patrick Mounaix POUR LA SCIENCE N° 338

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Lumière visible, micro-ondes, infrarouges, rayons X ou gamma, etc. : dans le monde des ondes électromagnétiques, toutes les espèces ont été exploitées pour réaliser des images d'objets inanimés ou d'organes d'êtres vivants. Toutes ? Non ! Une espèce irréductible résistait encore et toujours aux scientifiques et aux ingénieurs : les ondes térahertz, parfois aussi nommées rayons T. Or depuis quelques années, les progrès techniques font tomber les dernières palissades qui protégeaient cette région du spectre électromagnétique. L'emploi des ondes térahertz devient une réalité non seulement dans les laboratoires de recherche, mais aussi dans le monde industriel. Des perspectives apparaissent aussi dans le secteur médical, notamment pour détecter d'invisibles caries dentaires ou pour diagnostiquer et localiser, à un stade précoce, des cancers. Avant de passer en revue ces applications médicales, voyons ce que sont les ondes térahertz et les propriétés qui en font un outil intéressant pour l'imagerie. À l'instar de la lumière, les ondes térahertz sont des ondes électromagnétiques (combinaisons d'un champ électrique et d'un champ magnétique oscillants, champs qui s'induisent l'un l'autre en se propageant à la vitesse de… la lumière). Le spectre électromagnétique, c'est-à-dire l'ensemble des ondes électromagnétiques classées selon leur fréquence, leur énergie ou leur longueur d'onde, est infiniment vaste, mais se divise en quelques domaines plus ou moins bien délimités (voir la figure 2). Le domaine visible (les ondes lumineuses) est ainsi encadré, du côté des fréquences inférieures, par les ondes infrarouges, les micro-ondes et les ondes radio, et, du côté des fréquences supérieures, par l'ultraviolet, les rayons X, puis les rayons gamma.
Le domaine du térahertz englobe les ondes électromagnétiques de fréquences comprises entre 300 gigahertz et 20 térahertz environ. C'est une région médiane du spectre, située entre les micro-ondes et les infrarouges. Rappelons qu'un gigahertz signifie un milliard de hertz, et qu'un térahertz est égal à 1 000 gigahertz, c'est-à-dire 1 000 milliards de hertz ou 1012 hertz. Pour comparaison, la fréquence d'une onde lumineuse visible est de l'ordre de 1 000 térahertz (1015 hertz).
Il est utile d'avoir en mémoire les ordres de grandeur de la longueur d'onde et de l'énergie des photons térahertz. La longueur d'onde d'un rayonnement électromagnétique de fréquence égale à un térahertz est, dans le vide, de 0,3 millimètre. La résolution que l'on peut en attendre dans les images est de cet ordre. Par ailleurs, l'émission d'un photon de cette fréquence par un atome ou par une molécule correspond à une transition entre deux niveaux d'énergie séparés de 4,1 milliélectronvolts. Un rayon T a ainsi une énergie relativement faible, quelque 10 000 fois inférieure à celle d'un rayon X.

Des rayons indifférents aux vêtements ou aux bandages

Pourquoi le rayonnement térahertz est-il intéressant ? Outre le fait que ce domaine de fréquences soit accessible seulement depuis peu (voir l'encadré page 102) et qu'il constitue par conséquent un nouveau terrain d'exploration, les ondes térahertz passent, comme les ondes radio, à travers de multiples obstacles : brouillard, nuages, vêtements ou bandages, papier, certaines cloisons, etc. Comparées aux ondes radio, elles ont un autre avantage. Le domaine radio ne peut servir à former des images d'objets de taille courante, les longueurs d'onde étant trop grandes par rapport aux détails que l'on voudrait distinguer. Sur ce plan, les ondes térahertz ressemblent davantage aux ondes lumineuses de l'optique : il est possible de les focaliser et de former des images d'objets, avec une résolution convenable.
Un autre atout des ondes térahertz tient à ce que la plupart des molécules organiques, mais aussi des molécules plus légères – de nombreux polluants, notamment –, ont des fréquences fondamentales de rotation ou de vibration dans le domaine des térahertz. C'est pourquoi, lorsque de telles molécules passent d'un niveau d'énergie (de rotation ou de vibration) à un autre en émettant ou en absorbant un photon, la fréquence de celui-ci se situe souvent dans la gamme des térahertz. Par le jeu des excitations et désexcitations spontanées dues à l'agitation thermique, beaucoup de molécules organiques émettent donc naturellement à ces fréquences.
Ce rayonnement térahertz est faible, mais aujourd'hui détectable, même à distance. D'où la possibilité d'employer des techniques d'imagerie totalement passives ; autrement dit, il n'est pas indispensable d'« illuminer » l'objet avec des ondes térahertz produites par l'observateur, il suffit de détecter les ondes émises par l'objet lui-même. Une telle technique passive d'observation a le mérite d'être indétectable – contrairement au radar, exemple de technique active où son utilisateur est trahi par les ondes qu'il envoie. Un aspect qui a son importance dans le contexte des applications militaires…
La mesure des fréquences précises d'émission ou d'absorption de la matière dans le domaine térahertz offre la possibilité d'identifier certaines espèces chimiques présentes. Tel est l'objet de la spectroscopie térahertz, qui nécessite une « illumination » de l'échantillon pour obtenir un signal d'amplitude suffisante. Avec le développement de sources optoélectroniques compactes et de moins en moins onéreuses, la spectroscopie térahertz devient une technique de caractérisation éprouvée et de plus en plus répandue dans le monde industriel. Les entreprises des secteurs alimentaires et pharmaceutiques, par exemple, se dotent d'équipements spectroscopiques commerciaux pour contrôler leurs produits.
Les douaniers, les militaires ou les agents de la sécurité civile en bénéficieront également. La spectroscopie térahertz permet de déceler la présence de substances illicites ou dangereuses cachées dans des valises, des vêtements, des matériaux communs ou de l'équipement ménager. Elle constitue une technique supplémentaire au service du contrôle et de la sécurité des passagers dans les aéroports (voir la figure 1). Elle a aussi démontré son efficacité pour détecter des explosifs plastiques ou des éléments pathogènes considérés comme des armes biologiques. Aux États-Unis, peu après les attentats du 11 septembre 2001, on a montré en laboratoire que l'on pouvait distinguer une enveloppe contenant de la simple farine d'une autre contenant
des bactéries Bacillus anthracis, responsables de la maladie du charbon (à distinguer de l'anthrax, qui en français désigne une autre pathologie), sans ouvrir les enveloppes.
Quel est l'intérêt des rayons T pour l'imagerie médicale ? Comme nous l'avons vu, les photons du domaine térahertz ont une énergie très faible ; aussi, le rayonnement térahertz, non ionisant, est inoffensif pour l'être humain. Cette innocuité a d'ailleurs fait l'objet d'études lancées par le consortium Terabridge, qui regroupe plusieurs universités européennes. Ses équipes ont analysé l'effet du rayonnement térahertz sur plusieurs centaines d'échantillons de tissus biologiques, en examinant des cibles allant du niveau moléculaire au niveau cellulaire. Aucune altération significative n'a été relevée, au moins aux doses de rayonnement utiles pour l'imagerie.

Une technique superficielle

Comme il s'ajoute à cette innocuité la possibilité de former des images ou de faire de la spectroscopie, les ondes térahertz offrent de nouvelles perspectives à l'imagerie médicale. Avec une importante restriction, cependant, car l'eau (comme les métaux) est opaque au rayonnement térahertz. Le corps humain étant en grande partie composé de molécules d'eau, la profondeur de tissus susceptible d'être analysée se réduit à quelques centaines de micromètres, c'est-à-dire une fraction de millimètre. Le champ d'application de l'imagerie biomédicale par ondes térahertz se limite donc en général à des zones telles que la peau ou les tissus épithéliaux (paroi intestinale par exemple).
C'est pourquoi le domaine biomédical le plus concerné par l'imagerie térahertz est la cancérologie. En effet, plus de 80 pour cent de tous les cancers d'adultes touchent les tissus épithéliaux ; il en est ainsi des cancers de la peau, du poumon, du sein, du foie, de la prostate. En 2002, une équipe britannique associant l'Université de Cambridge, la Société TeraView et l'Hôpital d'Addenbrooke a montré qu'un système d'imagerie térahertz est capable de distinguer une peau saine d'une peau atteinte de carcinome baso-cellulaire. Il s'agit de la forme la plus commune (mais la moins grave) des cancers de la peau pour les populations blanches : on en rapporte plus de 50 000 nouveaux cas par an en France, une fréquence en augmentation constante depuis 50 ans.
Actuellement, le diagnostic des carcinomes baso-cellulaires s'effectue par un examen visuel. Les tumeurs superficielles, bien définies et mesurant moins de 20 millimètres de diamètre, sont ainsi repérées, puis enlevées chirurgicalement. Mais des carcinomes baso-cellulaires mal définis et touchant des couches internes peuvent atteindre 15 millimètres ou plus avant d'être décelés visuellement. On les élimine par chirurgie micrographique : des couches de tissu sont enlevées une à une et examinées au microscope au cours de l'intervention chirurgicale, celle-ci se poursuivant jusqu'à ce que l'examen indique que les sections dégagées sont saines.

Repérer des cancers de la peau

Cette procédure est longue, coûteuse et pas toujours efficace. La plupart des tumeurs étant situées sur la tête et le cou des patients, il faut non seulement que le retrait des tissus atteints soit complet, mais aussi que le minimum de tissu sain soit enlevé. Une localisation plus précise des tissus atteints par le carcinome baso-cellulaire simplifierait l'intervention chirurgicale, réduirait le risque de récidive et allégerait les opérations de reconstruction de la peau.
L'imagerie térahertz en fournit le moyen (voir la figure 3). Le dispositif que développe la Société TeraView produit un faisceau d'impulsions térahertz avec lequel on balaye point par point la surface de peau suspecte. Le balayage d'une surface de cinq centimètres carrés dure environ une minute. Par analyse des impulsions réfléchies par la peau, l'appareil construit une image presque tridimensionnelle, c'est-à-dire s'étendant sur une petite profondeur de la peau. Sur de telles images, les médecins ont constaté une différence notable entre les tissus malades et sains d'un même patient, le contraste reflétant vraisemblablement la teneur en eau des tissus (l'eau absorbe le rayonnement térahertz).
Une autre application possible des ondes térahertz réjouira ceux qui ont la phobie des cabinets de dentiste. Il s'agit de la visualisation en trois dimensions de dents cariées et de la détection de cavités présentes sous l'émail de la dent. Une carie dentaire naît de la destruction localisée de la couche extérieure de la dent, l'émail. Les acides sécrétés par les bactéries de la plaque dentaire attaquent l'émail, et la lésion peut se prolonger jusqu'à la dentine – l'ivoire que l'émail recouvre – sans que la surface de la dent ne présente de fissures ou trous visibles. La radiographie aux rayons X, souvent pratiquée par les dentistes, ne détecte la carie qu'à une étape trop avancée de l'évolution, alors qu'il ne reste plus que la roulette et le plombage comme parade. En détectant l'altération plus tôt, il serait envisageable de renverser le processus en reminéralisant la fissure.
Or les divers tissus qui composent la dent peuvent être distingués par leur indice de réfraction aux fréquences térahertz. L'indice de réfraction d'un milieu matériel est inversement proportionnel à la vitesse des ondes dans ce milieu. Autrement dit, en mesurant le temps de vol d'impulsions térahertz qui traversent la dent, on peut distinguer l'émail de l'ivoire par exemple. D'où, notamment, la possibilité d'estimer l'épaisseur de la couche d'émail, épaisseur qui se réduit lorsque le patient souffre d'érosion dentaire (destruction non localisée de l'émail dentaire, souvent due à la consommation de boissons gazeuses et acides).
Si l'on mesure l'absorption des ondes térahertz plutôt que leur temps de vol, on accède à d'autres informations, le pouvoir absorbant variant selon la teneur en minéraux. On peut ainsi repérer la présence d'une cavité à l'intérieur de la dent, cavité que l'examen visuel ou par rayons X ne laisse pas nécessairement soupçonner (voir la figure 4).
Comme le suggèrent ces exemples, les rayons T peuvent fournir plusieurs « vues » d'un même objet, selon que l'on choisit de mesurer l'absorption du rayonnement, sa réflexion, l'indice de réfraction du milieu traversé, etc. De plus, cela s'applique à n'importe quelles fréquences du domaine térahertz, ce qui ouvre à l'imagerie térahertz un autre éventail de possibilités. Par exemple, des substances invisibles à 500 gigahertz pourront être révélées par des ondes de fréquence plus élevée. Plus généralement, l'exploitation des empreintes spectrales des molécules améliorerait les capacités de diagnostic de l'imagerie térahertz. C'est en suivant cette voie que l'on cherche à développer des appareils pour la détection de tous types de tumeurs, et d'ici deux ou trois ans des appareils destinés à la mammographie ou au repérage de cancers cutanés pourraient apparaître sur le marché.
Bien sûr, de nombreux efforts restent à faire pour que l'imagerie térahertz passe du laboratoire de recherche à la clinique ou au laboratoire d'analyses médicales. Mais d'ici cinq ans, les premiers appareils compacts et de coût abordable devraient être disponibles. Enfin, n'oublions pas que le secteur médical n'est pas le seul concerné : les ondes térahertz trouveront des débouchés dans le domaine militaire ou de la sécurité civile (vision à travers la fumée, détection d'explosifs), en protection de l'environnement (détection de polluants), voire en télécommunications (transmission sans fil à courte portée et à très haut débit) ou en informatique (composants à fréquence d'horloge élevée). Radieux, l'avenir des rayons T ?
mais il peut y

II.3. TEP : Tomographie par Emission de Positons

II.3.1. Définition

La tomographie par émission de positons (TEP) est une méthode d'imagerie médicale qui permet de mesurer en trois dimensions l'activité métabolique d'un organe. Elle utilise une méthode similaire à la scintigraphie. En effet, on lie une molécule présente dans le corps à un isotope radioactif : un traceur. Lorsque le traceur rencontre la molécule, un rayonnement gamma est émis, ce rayonnement est capté par une caméra spécialisée qui, à l’aide d’un  système informatique, reconstruit une image.

II.3.2. Principe de la Tomographie par émission de positons

  • Utilisation des traceurs radioactifs 
La TEP utilise des isotopes radioactifs ou traceurs radioactifs à des fins diagnostiques.  Ces isotopes sont injectés au patient par voie intraveineuse. Lorsque l’atome radioactif se désintègre au contact de la molécule, un positon est émis. Ce positon parcourt un trajet de quelques millimètres dans l’organisme avant de se combiner avec un électron de charge opposée. Les deux particules s’annihilent et donnent naissance à l’émission simultanée de deux photons gamma en ligne droite dans deux directions opposées.
Les différents rayonnements provenant du même site sont recoupés par ordinateur au moyen de droites dont l’intersection correspond  à la région émettrice. Cela permet donc de  localiser très précisément le traceur dans l’organisme.  L’ensemble des données est enregistré, analysé et transformé mathématiquement à l’aide d‘algorithmes spécialisés. Ces opérations réalisées, la position du radio traceur, située au sein d’une tranche de quelques millimètres d’épaisseur de l’organe, est examinée puis reconstruite sur ordinateur. Par combinaison de tranches successives, on peut ainsi obtenir des images tridimensionnelles.
  • Production des isotopes radioactifs
Ces traceurs radioactifs sont obtenus à l’aide d’un cyclotron, c’est-à-dire un accélérateur électromagnétique de haute fréquence. Celui-ci utilise un champ magnétique et un champ électrique pour délivrer un faisceau de particules accélérées. Ces particules électriquement chargées, appelées protons, sont introduites au sein d’une enceinte où règne un vide très poussé et où elles décrivent une trajectoire en spirale. Elles sont ensuite extraites de l’accélérateur et projetées à très grande vitesse sur la cible.
La production de traceur nécessite des compétences en radiochimie et des installations spécifiques. En effet, le court niveau de vie des isotopes requière des cyclotrons proches des installations de l’imagerie. De plus, pour être utilisable en médecine, l’isotope doit remplir certaines conditions :
-       délivrer une dose d’irradiation la plus faible possible
-       avoir une durée de vie dans l’organisme courte mais suffisamment longue pour permettre une observation physiologique
-       émettre un rayonnement présentant le plus d’innocuité possible et qui soit décelable à l’extérieur du corps. 
  • Le choix des isotopes radioactifs
Le marqueur le plus souvent utilisé est le fluor 18 (18F). Ce traceur est semblable au glucose : il se fixe au niveau des tissus qui consomment de grandes quantités de ce sucre comme les tissus cancéreux, le muscle cardiaque ou encore le cerveau. Le fluor 18, dont la durée de vie est inférieure à 2h, émet ensuite de façon temporaire des rayonnements que l’on peut suivre dans l’organisme du patient grâce à une caméra TEP. Les autres isotopes pouvant être utilisés sont l’oxygène 15 (15O), l’azote 13 (13N), et le carbone 11 (11C).
   

II.3.3. Application de la TEP en médecine

Il existe de nombreuses applications médicales de la TEP en tant qu’imagerie fonctionnelle. En cancérologie, la TEP utilise comme traceur le fluorodésoxyglucose. Ce traceur est chimiquement proche du glucose présent dans les tissus qui, comme les tumeurs, possèdent un métabolisme  glucidique élevé. L’accumulation des traceurs sur la tumeur permet de la détecter facilement. C’est pourquoi la TEP est utilisée lors des différentes étapes de traitement du cancer (prévention, détection …).
En neurologie la TEP est également très sollicitée. En effet, grâce à l’utilisation du traceur (oxygène 15), elle peut détecter les variations de débit sanguin dans le cerveau et donc observer son activité. De plus, la diversité  des traceurs permet d’étudier des mécanismes très spécifiques de l’activité cérébrale. Par exemple, le carbone 11 permet d’étudier, en neuropsychiatrie, l’activité synaptique liée à la dopamine.
Enfin, la TEP est utilisée en cardiologie pour faire des diagnostics après un infarctus.
Tomographie par émission de positon du cerveau.
avoir ca
 

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