Peut-on voir à travers les murs ? oui avec le rayon T
C'est
la future star. La prochaine étoile du monde des ondes. Le rayon T
pourrait détrôner le puissant rayon X. Cela faisait plus d'un siècle
qu'il patientait, tapi entre la lumière visible et les ond...
C'est
la future star. La prochaine étoile du monde des ondes. Le rayon T
pourrait détrôner le puissant rayon X. Cela faisait plus d'un siècle
qu'il patientait, tapi entre la lumière visible et les ondes radio,
attendant patiemment que les progrès techniques lui permette d'accéder
aux feux de la rampe. L'avènement des nanotechnologies, ces procédés
d'ultraminiaturisation des équipements électromagnétiques, devraient
permettre au rayon T d'illuminer des domaines aussi divers que les
télécommunications, l'imagerie médicale, la caractérisation de
matériaux, la détection de gaz ou de polluants, la lutte contre le
terrorisme ou l'observation astronomique. Car le rayon T est capable de
voir à travers la peau, à travers les vêtements, à travers la fumée, à
travers les murs... Les articles scientifiques le concernant se sont
multipliées depuis quelques années et les congrès accueillent maintenant
des sessions entières consacrées à leur développement industriel.
Mi-radio, mi-lumière
Les
rayons T doivent leur dénomination à leur pedigree électromagnétique de
fréquence, dont l'unité de mesure est le hertz. Situés juste après
l'infrarouge et avant les micro-ondes utilisés pour les téléphones
portables, ils couvrent la gamme allant de 0,3 à 10 térahertz (un
térahertz étant mille milliards de hertz). Du fait de ces
caractéristiques, et sans entrer dans le détail, cette «lumière»
terahertz est restée longtemps impossible à écouter comme une onde radio
grâce à une antenne, ou à être vue comme une particule de lumière.
Cela
est dû essentiellement à la faible énergie des particules de cette
«lumière». Mais c'est ce qui fait sa force aujourd'hui. Ces particules
interagissent peu avec la matière, et peuvent donc la traverser comme le
font les ondes radio. Tissus, plastiques, briques sont transparents aux
rayons T. Ce qui n'est pas le cas des métaux et de l'eau qui les
bloquent. Les rayons T sont capables de pénétrer la peau d'une dizaine
de centimètres.
Etant
mi-radio, mi-lumière, il a fallu combiner les deux techniques pour les
apprivoiser. On exploite leur côté lumière en les focalisant avec des
lentilles, et leur côté radio en utilisant comme pellicule-photo un
matériau sensible à la chaleur recouvert d'un tapis de microscopiques
antennes que l'on sait réaliser depuis peu. Celles-ci sont conçues pour
recueillir les particules des rayons T, et les transformer en chaleur.
Cette élévation de température est transformée en image comme dans un
instrument infrarouge.
Ainsi est née
l'impudique caméra à rayons T. Elle est assez sensible pour capter les
rayons T naturellement présents sans qu'il y ait besoin d'utiliser un
«éclairage» artificiel. Pointée sur une personne, elle va donc donner
l'image du corps de cette personne, les rayons T étant arrêtés par les
tissus humains, mais pas par ses vêtements. Les rayons T distingueront
donc également tout objet métallique «caché». Il est de même possible de
détecter une personne derrière une cloison.
Des applications dans la sécurité
Plusieurs
sociétés s'emploient à commercialiser cette propriété des rayons T pour
des applications de sécurité. Une expérimentation a eu lieu l'été
dernier dans un aéroport britannique. Pour éviter l'écueil de la «photo de nu», c'est
un logiciel qui analyse l'image donnée par les rayons T, sans livrer
d'accès à l'image, et donne son verdict par un voyant vert ou rouge. A
charge aux agents de sécurité de faire le reste. Les rayons T peuvent
également révéler le contenu de paquets, de lettres. Ils sont même
capables de compter les allumettes dans une boîte sans l'ouvrir. Ces
tests sont encore préliminaires mais pourraient assez vite déboucher sur
des applications à grande échelle. Et pas seulement dans le domaine de
la sécurité. Une caméra capable de voir dans le brouillard ou dans la
fumée trouverait des clients dans de nombreux domaines.
Autre
grand champ de travail pour les rayons T, l'imagerie médicale. Car, là
aussi, progrès technique aidant, on est désormais capables de fabriquer
des sources de «lumière T». Ses particules étant beaucoup moins
énergétiques, moins fortes, que celles des rayons X, elles présentent
moins de dangers que ces derniers. Et même s'ils ne traversent pas le
corps, ils permettent des diagnostics sur une bonne profondeur.
Le
défi technologique ultime pour les rayons T serait de parvenir à
coupler une antenne à rayons T à une «puce» électronique fonctionnant à
ces fréquences. Il semble que les transistors térahertz ne soient plus,
du moins en laboratoire, un rêve. Le XXIe siècle pourrait bien être, pour les rayons T, celui des Lumières.
n
Pour en savoir plus :«Le monde a ses raisons, la physique au coeur du
quotidien». Jean-Michel Courty et Edouard Kierlik. Editions Belin-Pour
la Science. Mars 2006.
La chronique de Jean-Luc Nothias
20060329.FIG000000093_1.jpg (Photo AFP/Jean-Pierre Clatot) http://www.lefigaro.fr/medias/2006/03/29/20060329.FIG000000093_1.jpg
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