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Lieutenant-colonel « X » avec Jacques Léger
Missions, méthodes, techniques spéciales des services secrets au 21e siècle
Éditions Regard sur le monde.
2013
«
Si vous cherchez à savoir ce que sont des espions dans la plupart des
quelque 180 pays de ce monde ; il s’agit d’une force de police interne
utilisée contre sa propre population dans le but de maintenir quelqu’un
au pouvoir »[1].
Déclaration de l’amiral Mike McConnell lors de son discours de prise de fonction en tant que directeur de la NSA ; en 2008
SOMMAIRE
Avant-propos
INTRODUCTION Rôles connus et méconnus des services secrets : les missions du XXIe siècle.
RESSOURCES
HUMAINES ORGANISATION ET HIERARCHIE DES SERVICES SECRETS ET DE LEURS
RESEAUX. De la source inconsciente au cadre des services. La vie de «
l’employé » des services La vie de l’agent clandestin Profils de recrues
L’avocat et le psychiatre, piliers des services secrets modernes
METHODES
Méthodes
de surveillance Méthodes de recrutement et formation Le contrôle des
sources et des correspondants, et leur manipulation La manipulation des
individus Les méthodes modernes d’élimination des individus 1.
l’élimination sociale 2. l’élimination physique Du contre-espionnage à
l’intelligence domestique
INFLUENCE
La manipulation des
groupes d’individus Influence et contre-influence De l’usage et de la
surveillance de la culture De l’usage et de la surveillance des media de
masse De l’usage et de la surveillance de l’Internet
CONCLUSIONS Services secrets, monde sans lois.
AVANT-PROPOS
Le
but de ce livre est d’offrir à son lecteur un cliché pris sur le vif de
ce qu’est un service secret occidental en 2013. Cette manière anonyme
d’aborder un tel sujet, généralement fort délicat à traiter sitôt que
l’on parle d’un pays en particulier, a permis à son auteur de présenter
pour la première fois à peu près tous les faits, méthodes et missions
particulières des services secrets modernes qui étaient peu connus ou
méconnus du grand public jusqu’alors. L’accent est donc mis sur la
mission d’intelligence domestique (ou sécurité intérieure), au détriment
de celle de l’espionnage en direction des pays étrangers, puisque cet
autre sujet spécifique est régulièrement présenté au public par de
nombreux auteurs. Cette présentation insiste également sur le quotidien
d’un service secret et de ses personnels et agents, chaque fois que
l’auteur a jugé que cela intéresserait le lecteur non-initié. L’approche
sociologique du service secret occidental « typique » y est donc très
présente. Les explications, lorsque très techniques, sont enrichies
d’exemples et de courts récits de missions et d’opérations qui se sont
réellement produites, ou qui sont fortement inspirées de missions ayant
réellement existé durant les vingt dernières années. Des références et
des notes historiques et techniques ont ponctuellement été ajoutées
chaque fois que cela fut jugé nécessaire, en particulier à l’attention
du lecteur qui ne peut avoir connaissance de certains faits communs aux
univers très particuliers du contre-espionnage, de l’influence et de la
contre-influence, et de la sécurité intérieure en général. Les contextes
politiques des faits et anecdotes rapportés sont également indiqués
chaque fois cela est nécessaire à leur bonne compréhension. Les noms des
intervenants, ainsi que les endroits où les missions citées en exemples
se sont produites, ne sont que rarement mentionnés, aux seuls motifs de
leurs actualités et de la préservation de l’anonymat des personnes qui y
ont été impliquées, activement ou passivement. Cette description
s’achève sur une critique personnelle de l’auteur concernant les
évolutions et nouvelles missions des services secrets depuis la fin de
la Guerre froide. Ce livre n’est pas le fruit d’une investigation de
type journalistique ; il a été établi sur la base d’une connaissance
pratique vécue de son auteur, dans une large mesure, laquelle couvre les
trente dernières années précédant l’année 2013. L’espionnage
aujourd’hui n’est pas seulement une profession, mais, comme la plupart
des professions, celle-ci a pris les apparences d’une discipline, avec
une méthodologie, un vocabulaire, un ensemble de théories et même une
doctrine, une collection de techniques élaborées et une large foule
d’adeptes. Cette discipline présente la particularité de s’articuler
autour du secret, au point que ce dernier est lui-même le thème d’un «
rituel » qui l’emporte sur les motivations d’ordre politique. C’est ce
rituel qui permet de définir qui fait partie du groupe des initiés,
auxquels « on fait confiance », et qui en est exclu — autrement dit, qui
détient un pouvoir et qui n’en a aucun, puisque le secret est le
pouvoir.
Concernant les termes de la profession de l’espionnage
employés dans ce livre, quelques-uns de ceux-ci ne prétendent pas être
exacts du point de vue des services secrets de chaque pays. C’est tout
spécialement le cas du mot « agent », qui peut avoir une signification
fort différente d’un pays à l’autre. Par exemple : le FBI a des employés
salariés à temps plein qui sont officiellement ses agents, tandis que
la CIA, le SVR, la DGSE ou le MI6 recrutent des « agents » qui ne sont
pas leurs employés au sens formel de ce dernier terme, mais bien des
correspondants réguliers clandestins dont ils peuvent nier la
collaboration à tout moment. C’est cette seconde définition qui a été
adoptée dans cet ouvrage, ce qui a contraint l’auteur à nommer «
employés » tous les personnels travaillant à temps plein pour les
services secrets, et qui ont couramment accès à de la documentation
confidentielle, propriété d’un État. En raison du même problème,
quelques autres définitions ont été arbitrairement choisies une bonne
fois pour toutes pour chaque collaborateur officiel ou clandestin, et
parfois aussi au moment de nommer des services et départements que l’on
rencontre ordinairement dans à peu près tous les services secrets
occidentaux actuels sous des noms différents. Le lecteur, professionnel
du renseignement, saura les substituer à celles employées dans son pays.
Janvier 2013
INTRODUCTION
Rôles connus et méconnus des services secrets Les missions du XXIe siècle
Tout
le monde a appris, par les canaux des media, et beaucoup aussi par la
fiction des films et romans, que l’espionnage à l’étranger est la
vocation des services secrets. Ceci vient du fait que ce volet de la
mission générale des services secrets revêt bien souvent un caractère
romanesque, en effet. Dans la réalité, les missions d’espionnage dans
les pays étrangers mobilisent bien moins de cadres, d’agents conscients
et inconscients et autres sources que la mission dite d’intelligence
domestique (ou sécurité intérieure), laquelle sera largement présentée
dans ce livre. La mission d’espionnage à l’étranger implique des nombres
d’individus et des moyens d’importances très inégaux selon les pays
surveillés et services secrets concernés. Chaque pays à ses alliés, ses
ennemis, et aussi, parfois, un allié dominant ou, à l’inverse, satellite
(dominé). Dans ces deux derniers cas, l’influence ou la domination
complète exercée est aussi discrète que possible. Il y a des pays
puissants qui ont acquis, au fil du temps et parfois historiquement, une
très grande influence politique et/ou économique sur d’autres, plus
faibles. Il y a des alliances de pays au sein desquelles, cependant,
finissent toujours par émerger des leaders. Les choix politiques et
économiques des pays dominés sont évidemment assez restreints ; leurs
dirigeants n’ont guère d’autre option que de se soumettre à celles
choisies par celui qui se présente toujours à eux comme un protecteur.
La fin de la Guerre froide a officiellement entraîné la disparation d’un
antagonisme entre deux grands groupes de nations qui furent appelés «
blocs ». Ces blocs réunissaient chacun des alliés, et chacun un pays
dominant. Cette perception de l’alliance politique et stratégique doit
être pondérée lorsque parlant du monde de l’après-Guerre froide. Pour
des raisons que le lecteur comprendra à la lecture des chapitres de ce
livre consacrés aux usage et surveillance des media et de l’Internet,
les journalistes, aussi compétents et consciencieux soient-ils, ne
s’attardent jamais trop sur les faits d’ordre géopolitique. Et les
professeurs de sciences politiques et de relations internationales
s’étendent toujours plus facilement sur les évènements passés que ne
couvrent plus le secret et les impératifs d’ordre diplomatique. Tous les
services secrets espionnent chacun plus volontiers certains pays que
d’autres, mais un phénomène remarquable est apparu depuis la fin de la
Guerre froide, et celui-ci est devenu assez courant car il découle d’une
nouvelle manière de se faire la guerre, c’est-à-dire autrement que par
l’usage d’armes létales et visibles telles que chars, canons, avion et
navires armés. Il consiste en un refus de reconnaître son ennemi comme
tel, voire à le désigner à l’opinion publique comme un « allié » dans
quelques cas. Une nécessité aussi logique que cruciale vient justifier
de tels dénis : celle d’éviter à tout prix que le conflit ne vienne à
déboucher sur un véritable affrontement armé, ou même simplement sur des
mesures d’embargo économique. Car nous n’en sommes plus à redouter
seulement la guerre avec ses morts et ses blessés ; il est
devenu
vital pour chaque pays de maintenir des échanges économiques, et donc
des relations diplomatiques avec tous les autres, même lorsque certains
de ceux-ci sont des ennemis. Il y a des exceptions que l’on pourrait
compter sur les doigts d’une main ; de plus, elles ne concernent que des
puissances qualifiées de mineures. Il résulte de tout ceci que le
public a accès, grâce aux media, aux nouvelles de ce qu’il connaît sous
les noms de « politique » ou de « relations internationales », de «
diplomatie », lesquelles ne présentent (sauf dans le cas de pays
mineurs, incapables de déclencher un conflit armé d’envergure
susceptible d’en contaminer d’autres) que ce qu’il convient d’appeler,
dans le contexte de ce livre, les « visées formelles », ou « visées de
forme ». Les visées formelles viennent toujours masquer des visées
réelles, parce que ces dernières sont presque toujours jugées
irrecevables par un public noninitié (le plus large) qui ne parvient pas
à concevoir la politique internationale et ses enjeux économiques
autrement que sous l’angle d’une éthique adaptée à des interactions
sociales entre individus. Ce que ce grand public connaît sous le nom de «
relations internationales », les initiés — parmi lesquels on trouve,
tout spécialement, les cadres des services secrets — les nomment «
realpolitik »[2]. De cette perception réaliste des relations
internationales, et même de la politique intérieure ainsi que nous le
verrons, découlent la phrase célèbre, « en politique, il n’y a ni amis
ni ennemis ; seulement des intérêts », laquelle résume assez bien ce
qu’est la realpolitik, en effet. Baignant au quotidien dans un milieu où
la limite entre travail et vie privée est moins que ténue, et où les
notions qui viennent d’être sommairement expliquées prévalent sur toute
autre considération, les cadres de tous les services secrets du monde se
doivent de relativiser l’importance populairement accordée à
l’individualité, à l’éthique et à la morale. Car s’ils n’y parvenaient
pas, ils seraient alors incapables de s’affranchir de leurs tâches
quotidiennes et missions générales. Ces notions, qui forment, sur le
long terme, ce que l’on peut qualifier « d’état d’esprit » étant posées,
on peut enfin énumérer une liste sommaire des tâches ordinaires de tout
service secret moderne, en prenant l’exemple d’un pays économiquement
puissant et socialement avancé. Nous utiliserons pour ce faire la
terminologie propre à ces services du XXIe siècle, et nous avertirons le
lecteur que ces différentes missions génériques ne correspondent pas
nécessairement à autant de départements ou divisions d’un service
secret. L’organisation d’un service secret moderne est plus complexe
que ce nous en montrent parfois des organigrammes dessinés pour
l’information du grand public, ainsi que nous le verrons ; c’est
précisément le propos de ce livre de présenter une vision complète des
services secrets modernes et de leurs missions, par son insistance sur
tout ce qui a été longtemps caché. Comme la mission d’un service secret
couvre tout ce qu’un État ne peut faire ouvertement ou revendiquer
officiellement, la sécurité intérieure d’un pays est donc la première
servie, et sa préservation est une tache fréquemment nommée depuis
quelques années :
l’intelligence domestique[3], ou « espionnage
domestique » ou « sécurité intérieure », est l’activité de surveillance à
l’intérieur des frontières, visant à la surveillance de la population
et des stabilités économique[4], politique et sociale du pays. C’est la
mission prioritaire de tout service secret au XXIe siècle, c’est-à-dire
avant les activités clandestines à l’étranger. Cette mission procède,
pour l’essentiel, de l’usage d’un très grand nombre d’informateurs et
d’agents, dans le cadre de partenariats officieux et informels avec les
services de police, de gendarmerie et de douanes, et de l’entretien
d’une organisation informelle de type « société secrète » lorsqu’il en
existe une, au premier chef. Il existe fréquemment une relation étroite
entre la mission (et les services) de contre
espionnage et celle
d’intelligence domestique ; nous verrons comment et pourquoi aux
chapitres suivants. Sont couramment englobées dans la mission générale
de l’intelligence domestique les taches de : Surveillance des partis
politiques, des organisations syndicales et corporatives, des
associations et des religions universellement reconnues ; Surveillance
des personnalités (élites) de tous les milieux (puisque, ayant un accès
régulier aux media, celles-ci sont susceptibles d’utiliser leurs
notoriété et popularité à des fins jugées subversives, délibérément ou
des suites d’une influence ou d’une manipulation en provenance d’un pays
étranger) ; Surveillance des employés des activités sensibles (défense,
recherche, nouvelles technologies, production de matières premières
importantes et d’énergie, traitement des eaux, services postaux, banque
et finance, aéronautique, personnels des « entreprises clés » de la
nation d’une manière générale…) ; Contrôle de la circulation des élites
(contrôle et restrictions de l’accès des citoyens aux positions sociales
et au pouvoir par la richesse ou la célébrité[5]). La mission
d’influence domestique, également intégrée dans l’intelligence
domestique, et qui comprend : Surveillance des media ; Surveillance des
nouveaux media (Internet, réseaux sociaux…) ; Surveillance de la culture
(littérature et musique en particulier, puisqu’étant régulièrement et
historiquement utilisées par des pays étrangers, des organisations
terroristes ou extrémistes de divers types à des fins subversives ou de
propagande). Sont englobées dans l’intelligence domestique, mais peuvent
être détachées de celle-ci dans une certaine mesure, les missions
particulières de : Lutte antiterroriste ; Surveillance des groupes
extrémistes politiques et/ou religieux et des sectes ; Contre-espionnage
et contre-influence ; Lutte contre le narcotrafic et la criminalité
organisée (mafias, gangs importants et particulièrement dangereux) ;
Lutte contre le faux-monnayage et les activités associées de contrefaçon
de documents administratifs et d’identité divers ; Lutte contre le
trafic d’armes ; Lutte contre la délinquance financière (« criminalité
en col blanc ») ; Surveillance des importations ; Surveillance des jeux
(casinos, courses, etc.), parce ce que ceux-ci sont fortement
susceptibles de servir à des fins de blanchiment d’argent et de
dissimulation de revenus illégaux, ou simplement non déclarés aux
administrations fiscales, en général ; Surveillance des migrations et
des minorités immigrées et ethniques.
La collecte du
renseignement à l’étranger : mission la plus connue et la plus
popularisée des services secrets, elle englobe au XXIe siècle les
activités de : Renseignement technologique : vol de découvertes
scientifiques et technologiques, de procédés de fabrications et de
concepts marketing et commerciaux, à vocation de défense comme civile,
devant ensuite être transmis à des entreprises publiques et privées du
pays (depuis la grande entreprise à la start-up, selon le cas et/ou de
possibles objectifs stratégiques-économiques, ou autres, particuliers).
Cette
mission implique fréquemment la création d’entreprises ou de filiales,
ainsi que l’envoi d’étudiants et de travailleurs migrants dans des «
pays cibles ». Comme taches associées à cette activité, on trouve, entre
autres : le reverse engineering (reconstruction d’une invention par
analyse d’un exemplaire produit fini qui en a bénéficié ou d’un
prototype) ; la veille technologique, qui est une tache de surveillance «
soft » (sans vol) des activités des entreprises publiques et privées
étrangères, devant précéder une tentative de vol ou, le plus
fréquemment, produisant une information importante qui doit permettre à
une entreprise nationale de devancer son concurrent étranger
(stimulation de l’économie privée du pays et protection et surveillance
des exportations/importations). Intelligence économique, qui consiste en
la surveillance des indices et données économiques par secteur
d’activité et des situations financières des entreprises comme des
finances publiques étrangères. Cette mission comprend également la
surveillance particulière des investisseurs étrangers importants,
individus comme organisations, et une surveillance accrue des possibles
opérations de fusion et d’acquisition par des entreprises étrangères. On
y trouve aussi la surveillance des tentatives de spéculation sur les
matières premières et les produits finis (informatique et nouvelles
technologies), afin d’en tirer des déductions et de pouvoir formuler des
prévisions. Renseignement politique, qui consiste à surveiller les
évolutions politiques des pays, d’une manière générale, pour fournir des
informations au pouvoir politique comme aide à la décision et à
l’initiative. Un volet particulier de cette sous-mission consiste à
repérer les individus susceptibles d’accéder à des postes politiques
clefs dans le futur, afin de les approcher, et, si possible, de les
influencer favorablement, voire de tenter de les recruter comme agents
(conscients ou inconscients) avant leur accès à des postes à
responsabilité. Renseignement militaire, qui consiste à surveiller les
activités des armées étrangères, la fréquence de leurs manœuvres et
exercices (qui peuvent signaler une préparation à une offensive), les
nouveaux matériels qu’elles acquièrent et leurs quantités, un état des
fidélités et obéissance au pouvoir politique en place, etc. Cette
mission englobe la recherche d’informations sur les nouvelles armes en
cours de test, et elle peut aller jusqu’à la recherche de recrues
potentielles (agents) au sein des armées susceptibles de fournir des
informations de tous types, voire de procéder à des opérations de
subversion et/ou de sabotage (cette dernière mission peut également
s’appliquer aux renseignements technologique et politique et à
l’intelligence économique[6]). Surveillance des télécommunications, une
sous-mission qui implique des moyens technologiques lourds et coûteux,
auxquels ne peuvent prétendre qu’un nombre relativement réduit de pays.
Elle consiste à acquérir une capacité à intercepter les communications
téléphoniques et assimilées (Internet) par fil comme par les ondes, dans
le but de pouvoir sélectionner celles qui sont susceptibles de contenir
des informations jugées importantes, à tous niveaux. Surveillance des
signaux radioélectriques : assez proche de la surveillance des
télécommunications, cette sous-mission consiste, plus spécifiquement, en
une surveillance des émissions radioélectriques et en (l’éventuel)
décryptage de celles-ci, ce qui comprend : les signaux radioélectriques
émis par les avions, les navires, les satellites, et aussi les
radars[7]. La veille des media et des publications étrangers, n’est pas
une mission distincte de celles précédemment évoquées ; elle est partie
constituante de chacune de celles-ci selon les spécialités. Les
publications et les media étrangers sont surveillés par une catégorie
d’employés des services secrets appelés analystes. Les analystes ne se
consacrent pas exclusivement à la lecture de toutes les publications des
pays dont ils sont des spécialistes ; une telle tâche impliquerait le
recrutement
d’armées entières de tels employés, ce qui serait
extrêmement coûteux et improductif. De plus, les analystes sont déjà en
charge d’interpréter les informations en provenance d’agents en place
dans les pays cibles, lesquelles sont acheminées jusqu’à eux de manières
diverses et variées[8]. Ce travail permet, entre autres, mais
principalement, d’informer l’élite dirigeante du pays sur ce qu’il se
passe à étranger, et constitue en cela une aide aux décisions politiques
et économiques. En fait, ce sont des « sources » et « contacts
réguliers » (souvent informels) des services secrets qui repèrent les
informations intéressantes dans les media étrangers, et les signalent,
soit spontanément sur Internet où elles sont ensuite repérées et
collectées parce qu’ainsi mises en évidence, soit directement à des
contacts qui peuvent être des agents ou des journalistes (ce qui est
bien souvent la même chose). De plus, les agences de presse de tous les
pays étant les premières informées des faits d’actualité, celles-ci sont
toujours en contact plus ou moins direct avec les services secrets de
leurs pays respectifs, ce qui facilite grandement la collection[9] d’«
informations ouvertes[10] » en provenance de la presse, ou depuis les
endroits mêmes où les évènements se sont produits, donc avant leur
publication dans la presse. Bien que la mission de renseignement en
général que nous venons de voir implique assez fréquemment le vol
d’informations confidentielles, on peut considérer qu’il s’agit d’une
activité essentiellement « passive », lorsque comparée aux tâches de la
mission générale qui sont présentées plus loin, puisque pour dérober une
information, encore faut-il, au préalable, qu’un pays cible la produise
d’une manière ou d’une autre. La mission réellement active des services
secrets dans le contexte de la surveillance des media comprend,
pêle-mêle, des activités relevant de la « guerre de l’information » (ou
infoguerre, ou Information Warfare) dans le pays comme à l’étranger, et
qui sont généralement de nature hostile. Cette mission est aussi peu
connue du grand public que celle d’intelligence domestique en général ;
c’est pourquoi nous la développerons plus amplement que la précédente
dans quelques chapitres. Celle-ci comprend :
La propagande (ou
influence), qui est diffusée par les services secrets autant dans leurs
pays d’origine qu’à l’étranger. La propagande peut facilement être
assimilée à de la publicité, parce qu’elle en emprunte souvent les mêmes
supports et formes et techniques. Cette mission comprend : La
propagande blanche, le plus souvent diffusée à l’intérieur des
frontières, qui a pour vocation de flatter (grossir plus ou moins
exagérément) une information, la réputation d’un personnage jouant un
rôle clef ou devant être prochainement appelé à en jouer un à quelque
niveau (politique, artistique, économique…), une nouvelle alliance
(économique ou culturelle) avec un autre pays dans le cadre de l’action
diplomatique, etc. La propagande noire, toujours conçue pour nuire à un
pays étranger, à une ou plusieurs de ses entreprises, à une ou plusieurs
de ses personnalités. La propagande noire peut également être diffusée,
sélectivement, soit à l’intérieur des frontières, soit à l’intérieur
des frontières du pays attaqué, soit dans un pays tiers dans le but de
nuire aux bonnes relations entre ce dernier et un pays cible, soit une
combinaison de ces différentes possibilités, partielle ou globale. Par
exemple, une action de propagande noire dirigée contre un pays étranger,
cependant circonscrite dans son action à l’intérieur des frontières du
pays qui en est l’auteur, peut servir : 1. à faire baisser la popularité
de ce pays cible (de ses produits, de sa politique…) auprès de
l’opinion publique parce qu’elle est jugée gênante, économiquement ou
politiquement ; 2. à envoyer indirectement et non-officiellement un «
message » hostile au pays cible dans le cadre
des relations
diplomatiques courantes (faire mettre le feu à un McDonald par un groupe
de militants quelconque manipulé par les services secrets, par exemple)
; 3. à adresser une réplique (avertissement) à une action de propagande
(avérée ou perçue comme telle) en provenance du pays cible
(contre-influence).
L’action de propagande noire dirigée contre
un pays cible, et effectuée à l’intérieur des frontières de ce dernier,
peut servir (entre autres exemples, car la diversité des buts est
grande) à : – déstabiliser un candidat à l’occasion d’élections
nationales, car on sait que les positions qu’il prendra, s’il est élu,
seront défavorables aux intérêts du pays qui en est l’auteur ; – tenter
d’influencer des décisions ou des votes à l’occasion de grands
rendez-vous internationaux dans le pays cible ; – tenter de faire se
retourner l’opinion publique du pays cible contre ses dirigeants, et
ainsi, au plus simple, de faire renoncer ceux-ci à voter une loi qui
sera défavorable aux intérêts du pays auteur de l’action de propagande
noire ; – favoriser l’élection d’un candidat dont on sait qu’il a des
sympathies pour le pays auteur de cette action de propagande, ou, s’il
est élu, votera dans l’intérêt de ce dernier à l’occasion d’une
prochaine réunion internationale d’importance ; – attaquer une
entreprise de ce pays et/ou ses produits et services (pour des raisons
économiques et stratégiques, le plus souvent). On le voit, l’action de
propagande défie plus l’éthique et la morale chère au peuple que le vol
d’informations sensibles. C’est pourquoi les services secrets refusent
toujours de s’étendre sur cet aspect de leur mission générale durant des
interviews ou des reportages ; ils le nient en bloc, même. Car tout
service secret compte bien acquérir une image qui lui est favorable
auprès de la nation, auréolée d’héroïsme, ainsi que l’indiquent les «
retours au pays » en fanfare des agents qui ont été capturés ou retenus
en otages durant leurs missions à l’étranger — il faut aussi mentionner
les livres régulièrement publiés par des anciens des services, et qui
insistent presque toujours sur de spectaculaires missions dangereuses ou
des captures réussies de terroristes et d’espions étrangers. Mais la
sous-mission de propagande est encore loin de heurter les considérations
morales et éthique populaire autant que peuvent le faire certains
aspects de l’intelligence domestique, ou même seulement le quotidien
caché des agents et des employés des services secrets, ainsi que nous le
verrons. Selon les pays, la propagande entreprise par un service secret
peut prendre des noms communiquant des perceptions fort différentes les
unes des autres ; presque tous cherchent à être aussi peu explicites
que possible, toujours en raison de cette connotation négative et très
impopulaire que nous venons d’évoquer : « mesures actives » en Union
Soviétique, puis en Russie, « public diplomacy » aux États-Unis…
L’influence : lorsque ce terme n’est pas utilisé au sens général
englobant les différentes formes de propagande dans le pays ou à
l’étranger, il est une dernière forme, plus subtile et parfois très
difficile à identifier, de propagande, ou qui peut être assimilée à
cette dernière. C’est pourquoi cette sousmission mérite d’être bien
expliquée. Une « action d’influence » peut être dirigée contre un petit
groupe d’individus, voire contre un individu seul, ou contre une nation
tout entière. Dans ce dernier cas, il est souvent difficile de marquer
la distinction entre propagande et influence strictement parlant (être
influencé, dans ses pensées, ses décisions…). Cependant, les actions
d’influence impliquent souvent un seul acteur que l’on nomme alors «
agent d’influence », tandis qu’il n’existe pas d’« agent de propagande »
(même si,
bien souvent également, un seul agent est à l’origine
d’une action de propagande). La propagande peut être une action
soudaine, de brève durée et très visible ; l’influence est toujours très
progressive, insidieuse, et elle s’inscrit dans une mission de longue,
voire de très longue durée ; elle vise à modifier durablement
l’entendement de ceux qui doivent en être les victimes. L’influence,
comme son nom l’indique, consiste à influencer les gens, avec, toujours,
l’espoir qu’ils n’aient absolument pas conscience d’avoir été
influencés lorsque la mission arrive à son terme. Tous les services
secrets du monde utilisent le même « manuel de base », pourtant rédigé
il y a 2600 ans : L’Art de la guerre, par le stratège chinois Sun Tzu.
Et la citation la plus fréquemment extraite de ce petit livre dit, sans
ambiguïté aucune cette fois : « tout l’art de la guerre repose sur la
duperie ». Les cadres des services secrets l’associent bien volontiers à
celle d’un autre stratège, allemand, et du XIXe siècle celui-ci, Karl
Von Clausewitz : « la guerre est la poursuite de la politique par
d’autres moyens »[11]. Il faut, bien sûr, placer ces mots dans leur
contexte actuel, lequel a été lui-même largement façonné par les
services secrets de tous les pays. Il y a seulement un demi-siècle, la
guerre avait une signification universelle comprise de tous ;
aujourd’hui, les services secrets, dont le pouvoir s’est
considérablement agrandi, au point qu’il est devenu un État dans l’État
dans bien des pays, et dont les chefs deviennent souvent chefs d’État de
leur pays, parlent de « guerre économique », de « guerre
informationnelle », de « guerre technologique »… Les effets directs et
les plus visibles de ces « guerres » du XXIe siècle ne se comptent plus
en morts ni en blessés, mais en chômeurs, et en ce que certains
appellent des « âmes perdues », d’autres des « zombies », nous verrons
pourquoi plus loin. L’agit-prop : est un terme des services secrets
relativement ancien et qui n’est plus guère en usage courant, parce
qu’il désigne des activités englobées dans les sous-missions de
propagande et d’influence. Spécifiquement, l’opération d’agit-prop (pour
« agitation et propagande ») implique presque toujours des agents
(conscients ou non) ayant une aptitude particulière de leader, et qui
sont prompts à tenter de rassembler des individus au nom d’une cause
quelconque en laquelle ils croient souvent sincèrement. L’agent
d’agit-prop est plus souvent une personne sincère qui est manipulée
qu’un agent conscient qui ment constamment. Les buts d’une mission
d’agit-prop peuvent être, entre autres cas : – la création d’un vrai
mouvement contestataire ou de dissidence dans un pays étranger, et/ou la
phase préalable et préparatoire à une tentative de coup d’État ; – la
création d’un faux mouvement dans le pays (ou d’un mouvement sous
contrôle) contestataire ou de dissidence, dont l’unique vocation n’est
autre que d’attirer des individus ayant sincèrement les mêmes idées,
pour pouvoir les identifier, voire placer leurs actions sous le contrôle
discret des services secrets (à l’insu des intéressés, bien entendu).
Ce cas relève fréquemment, de nos jours, de la mission, plus générale,
de lutte contre le terrorisme, de lutte contre les mouvements
autonomistes et irrédentistes et de lutte contre des formes de
dissidence politique réelles susceptibles de nuire à la stabilité
sociale du pays[12] ; – la création d’un vrai mouvement d’opinion à
l’intérieur des frontières devant influencer l’opinion publique en
faveur d’options politiques que le gouvernement du pays ne pourrait
tenter d’imposer de lui-même et par lui-même sinon, soit en raison d’une
question d’ordre diplomatique, soit parce que la population refuserait
une telle option si elle ne semblait provenir d’elle. Exemples : il faut
nécessairement des leaders d’opinion pour initier des mouvements
populaires anti dirigés contre un pays en particulier et sa culture ;
une loi pourra plus facilement être votée et acceptée par la population
si elle semble répondre au désir ou au besoin d’une minorité
significative
au minimum, laquelle aura été, dans les faits, mais à
l’insu de tous, rassemblée et contrôlée dans le cadre d’une opération
d’agit-prop initiée par les services secrets.
La protection des
personnalités est une mission fréquemment prise en charge par les
services secrets, de manière directe ou par l’intermédiaire de policiers
ou de gardes en contact permanent avec ceux-ci. Le volet le plus large
de cette sous-mission concerne la protection des personnalités « connues
» ou « importantes », ce qui permet du même coup de surveiller leurs
éventuels agissements suspects (toujours possibles), et de filtrer les
tentatives de contact avec celles-ci par des individus inconnus ou
susceptibles de les influencer dans un sens qui pourrait être contraire
aux intérêts nationaux (protection contre les tentatives d’influences en
provenance de l’étranger et leurs agents). Le volet marginal de la
protection des personnalités, plus discret, concerne des ressortissants
étrangers en exil populairement connus dans leurs pays, qui sont
recherchés ou ont été condamnés dans leurs pays, mais qui sont
susceptibles d’y jouer un rôle important dans un futur plus ou moins
lointain, en cas de changement de gouvernement ou de renversement du
pouvoir en place. De tels individus, selon leur importance passée ou
actuelle et leur popularité dans leur pays d’origine, seront plus ou
moins bien traités. Car s’ils retournent dans leur pays plus tard, où
ils seront souvent accueillis comme des héros, ils seront alors
fortement susceptibles d’y exercer rapidement des fonctions politiques
au plus haut niveau, et, en tant que tels, ils seront de puissants «
leviers » dans leur pays, en « reconnaissance » à celui qui les aura
protégés durant leurs exils. Il n’est donc pas rare que ces réfugiés
revenus dans leur pays y deviennent des agents à part entière des
services secrets du pays qui les a pris sous sa protection.
Toujours concernant les « missions actives » nous trouvons ensuite :
Les
actions hostiles physiques comprenant : Le sabotage, qui peut être
effectué contre un large choix de cibles, et dont les formes n’ont de
limites que celles de l’imagination. Ce genre de missions actives va, du
plus simple au plus compliqué, du sabotage d’un véhicule en vue de
l’immobiliser ou de créer des dépenses lourdes pour son propriétaire
(cas d’un harcèlement), à l’attaque informatique massive en vue de
saturer un serveur, à la destruction de matériels lourds de toutes
sortes (station d’épuration des eaux, centrale nucléaire, centrifugeuses
d’uranium enrichi, lignes caténaires de trains…). Ce type d’action
présente la particularité d’être presque toujours accompli par des
militaires-spécialistes très entraînés et dont les unités sont plus ou
moins officiellement rattachées à un service secret ou ponctuellement
employées par ceux-ci ; ou, lorsque ce n’est pas le cas, d’être
supervisé par des personnels civils ou agents ayant une compétence
particulière. Les actions de sabotage sont courantes et peuvent être
effectuées : autant à l’intérieur des frontières contre des cibles
désignées comme hostiles et nuisibles aux intérêts nationaux, que dans
des pays étrangers. Dans le premier cas, l’action de sabotage est
presque toujours ordonnée par un service de contre-espionnage, dont nous
verrons la mission plus loin. Le harcèlement, qui est une des
sous-missions actives les plus courantes et les plus ordinaires des
services secrets. Une opération de harcèlement peut être dirigée contre
des individus isolés ou des entreprises et organisations diverses (dans
le pays ou à l’étranger), et elle vise généralement : soit à contraindre
une personne ou un groupe de personnes (entreprise, association ou
assimilé) à se soumettre implicitement à la volonté d’un service secret,
via un intermédiaire qui ne se présentera
jamais clairement comme un
agent de ce même service, afin de ne pas courir le risque d’exposer
publiquement celui-ci ; soit à pousser un individu ou une entreprise à
cesser une activité ou à quitter le pays ; soit à l’élimination sociale
ou physique d’un individu ou d’une entreprise. Les expressions «
élimination sociale » et « élimination physique » signifient ici,
respectivement, la fabrication d’un discrédit important contre un
individu, et une action visant à le pousser à mettre fin à ses jours
(suicide), ou à provoquer sa mort. Le harcèlement étant un acte très
impopulaire et considéré par l’opinion publique comme une forme de
perversion, ce type de mission est toujours exécuté avec de très grandes
précautions. Une opération de harcèlement implique fréquemment un assez
grand nombre d’agents et de contacts occupant chacun, ordinairement,
des activités professionnelles diverses et variées (depuis l’électricien
au psychiatre, en passant par l’employé de banque et autres services
publics…). Cette sous-mission aussi particulière que méconnue sera
largement présentée dans ce livre. L’élimination sociale est presque
toujours la suite logique de l’opération de harcèlement précédemment
évoquée, et, ainsi que son intitulé le suggère, elle concerne un
individu. L’élimination sociale consiste en la fabrication du discrédit,
lequel peut revêtir diverses formes, scandaleuses ou/et
particulièrement dégradantes pour celui qui en est la cible. Elle est
souvent accompagnée d’une « destruction » des moyens économiques de la
cible (emploi, rentes…), puisque ceux-ci contribuent largement à la
crédibilité. Le lecteur sera peut-être surpris d’apprendre que les
services secrets emploient couramment l’élimination sociale contre leurs
propres agents et sources, soit pour prévenir un risque de révélation
d’informations de nature confidentielle et nuisibles à la réputation du
service secret luimême, d’une personnalité en vue, d’une entreprise ou
d’une institution gouvernementale, soit dans le cadre d’un recrutement
hostile, ainsi que nous le verrons dans un autre chapitre. L’élimination
physique désigne bien l’assassinat, lequel, en ce XXIe siècle, est
rarement exécuté selon les modalités spectaculaires que le cinéma et la
littérature présentent régulièrement au grand public. Car, dans une
large majorité de cas, il est nécessaire que l’attention de l’opinion
publique ne soit pas éveillée par un cas de mort suspecte, lequel mène
inévitablement à des recherches concernant les causes possibles du
décès. C’est pourquoi les cibles[13] de ce genre de sous-mission
décèdent le plus fréquemment par suicide suivant une dépression, soit
des suites d’une maladie ordinaire ou d’un accident, souvent en rapport
avec les activités et penchants naturels de celles-ci (alcoolisme,
tabagisme, stupéfiants, sexe, sport à risque…). Les éliminations
physiques violentes existent cependant, et celles-ci peuvent avoir trois
causes, principalement : 1. la cible fréquentait des milieux interlopes
dans lesquels la violence physique est courante et notoire (gangs,
mafias, organisations terroristes, sectes, etc.) ; 2. la cible a été
placée dans une situation où le risque de mort violente est élevé
(altercation suite à un cambriolage dans la demeure de la cible, mise en
contact de la cible avec un malade mental, sport ou activité réputée à
haut risque, telle que parachutisme, parapente, alpinisme, conduite à
grande vitesse, pilotage…) 3. la mort violente est parfois utilisée, en
seconde instance, comme un avertissement adressé à d’autres personnes
concernées. Par exemple : une mort violente par arme conventionnelle
peut être sujette à diverses interprétations et spéculations ; une mort
violente par empoisonnement à l’aide de substances particulièrement
rares et difficiles à se procurer (le polonium, par exemple) laisse peu
de doutes sur l’auteur présumé : un État, le seul ayant accès à ce type
de poisons hautement toxiques et à
savoir les utiliser. L’opération
paramilitaire, quoiqu’officiellement exécutée par des militaires, ou par
des mercenaires, est toujours une mission supervisée par les services
secrets. Il n’est pas nécessaire de décrire plus amplement ce type de
sous-missions, puisque l’actualité la rapporte largement et fréquemment.
Tout juste peut-il être utile de rappeler que tout service secret
dispose d’unités militaires d’élite devant se tenir toujours prêtes à
intervenir à l’étranger, dans le cadre d’opérations diverses et variées,
depuis le sauvetage et la récupération d’un otage ou d’un agent[14] à
la participation discrète à un coup d’État.
Nous arrivons à une
sous-mission générale qui peut revêtir des aspects passifs et actifs,
c’est pourquoi celle-ci fera l’objet de présentations séparées.
Le
contre-espionnage défensif est une sous-mission qui a été largement
popularisée par le cinéma et la littérature de fiction, et aussi par
quelques essais écrits par des personnels des services de
contre-espionnage. Le contre-espionnage est, dans son principe et à la
base, une activité quasi policière de recherche et d’investigation,
puisqu’elle consiste à chercher et à identifier des espions envoyés dans
le pays par des puissances étrangères, et même des espions payés par
des entreprises qui cherchent à savoir ce que font leurs concurrents les
plus importants (espionnage industriel et économique). Mais le grand
public ignore à peu près tout du contre-espionnage au-delà de cette
première étape d’investigation policière, la seconde relevant couramment
du : Contre-espionnage offensif, qui est un second volet de la mission
générale de contre-espionnage. Le contre-espionnage offensif est une
activité très particulière parce qu’elle associe de hautes capacités
intellectuelles (que l’on pourrait qualifier de « raffinées ») à des
actes crapuleux que la morale et l’éthique réprouvent fermement. Ce que
l’on appelle des « agents doubles », personnages qui ont tout de même
largement été popularisés par la littérature et le cinéma, sont un
produit exclusif du contre-espionnage offensif. Car la mission
principale du contre-espionnage offensif est l’« intoxication » des
services secrets étrangers par la manipulation de l’espion que ceux-ci
ont envoyé en mission, ou par d’autres méthodes, tactiques ou
stratégies. En ce XXIe siècle plus que jamais, chaque fois qu’un service
de contre-espionnage démasque un espion étranger, il considère qu’il
est infiniment plus productif d’en faire un agent double que de
l’expulser hors des frontières ou de le condamner à une lourde peine.
Aussi, l’arrestation officielle d’un espion a toujours une conséquence
diplomatique, ainsi qu’une influence sur l’opinion publique concernant
le pays impliqué. Or, en vertu de qui a été expliqué au tout début de
cette introduction, ces conséquence et influence sont rarement désirées.
C’est pourquoi l’arrestation médiatisée d’espions étrangers s’inscrit
toujours, aujourd’hui, dans le contexte d’une manœuvre diplomatique,
visant généralement à obtenir des concessions ou à placer utilement un
pays en position de faiblesse (à l’occasion d’une grande rencontre
internationale proche dans le temps, et lors de laquelle des
négociations doivent prendre place). L’arrestation d’un espion étant
devenue une manœuvre politique, la date effective de celle-ci est
désormais toujours définie en accord avec les plus hautes instances
gouvernementales et diplomatiques. Par exemple, les États-Unis, durant
les 40 dernières années, environ, se sont contentés de discrètement
expulser de leur territoire d’innombrables espions étrangers envoyés par
des pays qui sont officiellement leurs alliés militaires et politiques
[15].
Ces explications expliquent pourquoi les affaires d’espionnage
rapportées par les media sont devenues rares, car il n’y a pas moins
d’espions aujourd’hui que durant la Guerre froide — c’est même tout le
contraire. Enfin, nous arrivons à la présentation des missions internes
des services secrets, lesquelles ne sont pas exclusivement
administratives. Il y a, bien sûr, un « service du personnel », de même
qu’il y a des personnels chargés de tâches comptables et budgétaires, de
même qu’il y a un service chargé du bon entretien des locaux principaux
et annexes (électricité, plomberie et maçonnerie comprises), un service
du matériel en usage courant dans un service secret (quoique cette
partie est fréquemment gérée de manière autonome par spécialités), etc.
Le plus important de tous ces services « annexes » est certainement
aussi le plus sensible entre tous ; il s’agit du
Service de
sécurité intérieure, dont la mission consiste à surveiller chaque
employé des services secrets, afin de prévenir d’éventuelles fuites
d’informations, des écarts de conduite pouvant mener à des fuites ou à
des expositions des activités des services, et bien sûr des trahisons,
toujours possibles. Le travail du service de sécurité intérieure est
assez similaire à celui d’un service de contre-espionnage (ou même d’un
service de sécurité d’un grand magasin chargé de surveiller ses
employés), sauf que le champ d’action de celui-ci se limite aux
personnels des services secrets ainsi qu’à leurs familles et relations.
Lorsqu’un service secret suspecte d’avoir été pénétré (infiltré) par un
espion d’un autre pays (que l’on appelle populairement une « taupe
»[16]), c’est le service de sécurité intérieure qui se voit
ordinairement confier la tâche de l’identifier. Le service de sécurité
intérieure a également une place et un statut particuliers au sein d’un
service secret, parce que, celui-ci ne collaborant jamais avec aucun des
autres services ou départements, et n’entretenant donc pas de relations
avec les personnels de ceux-ci, ses membres y sont perçus comme des
gens isolés, ou comme une police interne redoutée[17]. Le service de
sécurité intérieure à pour autre responsabilité de superviser la mission
du
Service de sécurité extérieure, lequel peut être assimilé à
un service somme toute ordinaire de sécurité physique des services
secrets, c’est-à-dire à un service de gardiennage de ses locaux et du
contrôle des entrées et sorties quotidiennes des personnels, des
contrôles d’objets apportés et emportés par ces derniers, grâce à des
moyens techniques et des fouilles et inspections des vêtements, bagages
et véhicules.
Cette présentation d’un service secret type d’un
pays riche n’est pas exhaustive, et elle ne permet pas de se représenter
précisément ses tailles, moyens techniques et personnels ainsi que ses
différents services ; y consacrer la totalité des pages de ce livre n’y
suffirait encore pas. Typiquement, un service secret a un quartier
général, mais il a toujours, aussi, de nombreux locaux et annexes
secrets disséminés dans son pays, dont les adresses sont inconnues du
grand public et qui, bien souvent, se présentent sous des
couvertures[18] que des non-initiés trouveraient inattendues ou
insolites. Par exemple, il est fréquent qu’un bâtiment administratif
aussi anodin qu’un ministère ou une annexe de ministère ait une partie
de ses locaux occupée par une section d’une direction, d’un département
ou d’un service, ou par une antenne régionale d’intelligence domestique,
de contreespionnage ou d’appui ou d’assistance technique… Nous n’avons
même pas encore ne serait-ce qu’entrevu toutes les entreprises privées
sous contrôle
des services secrets, et le lecteur aurait certainement
peine à croire qu’il existe également de véritables villages des
services secrets ayant (à quelques petits détails près) toutes les
apparences d’un village ordinaire. Ces villages sont des « ruches »
délocalisées des services secrets réunissant des analystes, des
techniciens ou des spécialistes de la surveillance physique (filatures,
etc.)[19]. À cela vient s’ajouter une éventuelle multiplicité des
agences de renseignement diverses, civiles et militaires d’un même pays
(y compris les services spécialisés de lutte contre le terrorisme, le
fauxmonnayage, les services de renseignement militaire, etc.) qui,
ensemble, forment ce que les spécialistes nomment une « communauté du
renseignement »[20]. Ensuite, il est encore plus difficile de se figurer
simultanément le nombre total de personnes œuvrant à temps plein pour
les services secrets d’une grande puissance économique, et celui de ses
officiers traitants, agents, contacts et sources. Il ne serait pas
inexact de se représenter cet ensemble sous la forme d’un grand « arbre
», avec son « tronc », ses « grosses branches » et ses « grosses racines
principales » comme les personnels à temps plein et moyens structurels
et techniques, et ses « racines » et « branches secondaires », jusqu’aux
« feuilles » et « bourgeons », comme ses contacts humains à partir du
niveau des officiers traitants. Pas plus qu’il serait inexact de se
représenter l’ensemble d’une organisation de ce type sous la forme d’un «
système nerveux », avec toutes ses « terminaisons nerveuses »,
jusqu’aux « pointes des pieds ». Le « tronc » (ou le « cerveau ») d’une
organisation de ce genre emploi typiquement, dans le cas d’un pays
occidental classé parmi, disons, les 20 premières puissances
économiques, plusieurs milliers de personnes employées à temps plein,
avec une moyenne comprise entre 10 000 et 20 000. Tous les individus qui
sont « attachés » à ce « tronc » (ou qui sont en connexion avec ce «
cerveau ») forment un groupe qui peut aisément et fréquemment
représenter plusieurs centaines de milliers d’individus, voire plusieurs
millions dans quelques cas (selon quelques évaluations). Car tous les
services secrets s’abreuvent quotidiennement à d’autres sources
d’informateurs, à commencer par les réseaux immédiatement opérationnels
des « contacts privilégiés » et « informateurs » des services de police
ordinaire, de gendarmerie (le plus grand dans quelques pays où la
gendarmerie est un corps militaire), de douanes et de services fiscaux.
Et l’on pourrait encore ajouter le réseau informel de certaines
corporations dont les travailleurs sont toujours plus prompts que ceux
des autres à collaborer, et qui, en raison de leurs spécialités
respectives, sont amenés à rencontrer de grands nombres de personnes ou à
naturellement être informés de tous les faits extra-ordinaires ou jugés
« anormaux » de leurs villages, communes et villes : les pompiers, les
employés des services postaux, les services d’urgences médicales et les
ambulanciers, les sociétés de gardiennage, les chauffeurs de taxi, les
maires et les employés municipaux, et, « traditionnellement »
pourrait-on dire dans de nombreux pays, les propriétaires et personnels
des bars, cafés, restaurants et hôtels. Ces dernières sources
d’informations immédiatement disponibles sont considérablement réduites à
l’extérieur des frontières, bien sûr, car au-delà de celles-ci, c’est
un service allié ou rival qui en jouit pleinement. De toute façon, il
serait impossible d’arriver à un nombre exact, quel que soit le pays
considéré, puisque celui-ci change quotidiennement, au gré des
recrutements jugés nécessaires et des disparitions de sources et
d’employés, en raison des maladies, invalidités et décès. Dans de
nombreux pays européens, la fin de l’occupation nazie et la récupération
des archives de police laissées par l’armée allemande a permis au grand
public de se représenter, à la fois combien la plupart des individus
sont prompts à dénoncer leurs semblables pour diverses raisons qui vont
de
la peur aux jalousies et rivalités ordinaires, et quelle
proportion de la population collabora de la sorte. Il n’était alors pas
question d’un « nombre d’individus sur cent », mais sur dix, et dans le
cas de quelques pays sur 5 ou sur 6[21].
RESSOURCES HUMAINES ORGANISATION ET HIÉRARCHIE DES SERVICES SECRETS ET DE LEURS RÉSEAUX
De la source inconsciente au cadre des services.
Depuis
l’époque de la Guerre froide, les services secrets de tous les pays ont
connu un développement que l’on pourrait qualifier d’exponentiel. Il y a
quelques années, un spécialiste anglais de l’espionnage écrivait dans
un article de l’International Journal of Intelligence and
Counterintelligence[22], parlant du développement des activités
d’intelligence domestique dans un pays du Sud de l’Afrique, que les
services secrets y employaient des méthodes avec la population
ordinairement utilisées avec des agents secrets. Ce pays s’était
embarqué dans une politique de contrôle total de la population peut-être
plus ambitieuse encore que celle qui avait précédemment été entreprise
en Union Soviétique et en Chine maoïste. Avant de décrire le
fonctionnement d’un modèle type de service secret et de son
organisation, il convient de comprendre les causes de ce fort
développement de ses moyens et effectifs que l’on constate dans beaucoup
de pays, car elles sont multiples. Tout d’abord, de nombreux experts
géopoliticiens, historiens, stratèges et même économistes sont d’accord
pour dire que l’ancienne division du monde en deux blocs de pays, chacun
grossièrement appelé « Est » et « Ouest », apportait quelques bienfaits
avec ses craintes d’une guerre nucléaire généralisée. En effet, avec la
fin effective de l’Union Soviétique disparurent du même coup les
notions élémentaires d’ennemi et d’ami, lesquelles avaient permis
jusque-là aux populations de (presque) tous les identifier sur la carte
du monde. Pourtant, nous avons appris depuis, bien souvent à nos dépens,
que les vieux antagonismes n’ont nullement disparu ; pire, une censure
générale s’abat désormais systématiquement sur toute tentative de les
nommer. Le monde de l’après-Guerre froide est, à certains égards, devenu
un monde « schizophrène » dans lequel il faut s’accrocher à un fantasme
de paix et de bonne entente universelles autour d’une table commune
sous laquelle pleuvent des coups de pieds bien réels. Dans les pays les
plus impliqués dans cette nouvelle guerre censée n’exister que dans les
imaginations les plus fertiles, c’est la population qui est la plus
exposée et qui en subit effectivement le plus les conséquences ; elle
doit prendre les coups tout en étant contrainte, sous la menace d’une
accusation de délire, de dire que c’est « la fatalité » qui les lui
donne. Et du coup, cette schizophrénie s’est étendue aux effets
secondaires de cette étrange guerre, puisque, comme « elle n’existe pas
», il n’y a donc aucune raison de limiter les échanges commerciaux et
privés avec des pays ennemis. Alors, pour tout de même réagir contre cet
évident danger de l’ennemi dans la maison sans accepter de le désigner
nommément comme tel, il a fallu inventer de nouvelles méthodes de
défense. La première fut de développer considérablement le champ
d’action des services secrets à l’intérieur des frontières, afin de
surveiller et limiter le plus possible les risques que peut
(potentiellement, à tout le moins) représenter l’entreprise étrangère
qui s’installe sur le sol national pour y vendre ses produits. Ceci
implique d’obliger de telles entreprises à recruter sur place. On peut y
parvenir de diverses manières, à commencer par la mise en place
d’obligations légales et autres règlements administratifs et syndicaux
divers. Puis, en cas de refus de l’entreprise étrangère concernée,
d’utiliser
les moyens de l’agit-prop et de la propagande noire pour
brandir de faux motifs (les visées formelles décrites au premier
chapitre de ce livre) tels que « xénophobie », « refus injustifié
d’accepter les règles et culture du pays d’accueil », etc. Bref,
contraindre par tous les moyens cet ennemi à ne pas importer aussi sa
culture, perçue comme une maladie mortelle. Car, le lecteur l’imagine
sans peine, à l’obligation très officielle pour ces entreprises
étrangères implantées sur le sol national de recruter le plus possible
de main-d’œuvre locale, est associée celle, implicite, de savoir que des
mouchards en feront forcément partie. Viennent également diverses
organisations syndicales ayant une capacité à exercer un pouvoir au sein
de l’entreprise, c’est-à-dire à exercer également une influence sur les
employés qui ne sont pas des mouchards et qui refusent de l’être. C’est
ainsi que la schizophrénie des relations internationales parvient à
s’engouffrer également dans le quotidien d’employés ordinaires, et
qu’elle contamine les individus qui ne se sentent pas concernés par le
sujet des relations internationales, ni ne voulaient en entendre parler.
Il en résulte, pour tous ces gens qui ne cherchaient qu’à gagner leur
vie, une atmosphère professionnelle de méfiance réciproque, de tensions,
de pressions diverses permanentes et de conspirations de bureau qui
déteignent inévitablement sur la vie à l’extérieur de l’entreprise. Mais
ce nouvel état de « l’entreprise privée sous surveillance d’État »
s’est étendu à celles du pays, puisque, ainsi que nous l’avons vu dans
le chapitre précédent, ces dernières sont susceptibles d’être pénétrées
et espionnées par l’ennemi (que celui-ci soit simple concurrent
commercial ou service secret étranger, peu importe). C’est pourquoi les
services secrets d’aujourd’hui veulent également avoir des contacts et
des mouchards au sein de ces autres-là, pour y surveiller aussi ses
compatriotes. Pour ce faire, ils ont trouvé des prétextes tels que
placer d’ex-militaires aux postes d’encadrement, « parce qu’ils ont une
solide expérience du management ». Cette étape de l’entreprise privée
sous surveillance d’État marque bien la présence de symptômes de
paranoïa dans cette schizophrénie artificielle (puisqu’elle n’en est pas
vraiment une au sens médical du terme, le lecteur l’aura compris). Les «
employés mouchards » que nous venons d’identifier et de présenter, et
dont nous venons du même coup d’expliquer la raison d’être, sont de bons
exemples de la forme que peuvent prendre les ultimes ramifications d’un
service secret : celles qui sont les plus éloignées de ce « tronc » que
l’on appelle communément, dans pratiquement chaque pays aujourd’hui, la
« communauté du renseignement ». C’est pourquoi nous allons examiner un
modèle typique de service secret occidental du XXIe siècle, son
organisation et son mode de fonctionnement, en commençant par le « petit
mouchard », cet agent inconscient et ponctuel des services secrets qui
n’en est pourtant pas un au sens strict du terme — dans les faits, il
est un simple mouchard qui ignore totalement (et doit nécessairement
ignorer) où vont les petits secrets de bureau qu’il rapporte. La
présentation qui suit ne concerne que les acteurs de l’intelligence
domestique, donc en aucun cas des agents envoyés dans un pays étranger ;
cependant, la différence est minime.
LES CLANDESTINS
Le
petit mouchard est un citoyen ordinaire, même pas un agent entraîné qui
use des apparences avantageuses d’un innocent Monsieur-tout-le-monde.
Cependant, au cas par cas, celui qui recueille les confidences du petit
mouchard lui laisse la liberté de penser ce qu’il est et de ce qu’il
fait ; bien souvent, ce dernier se prend à un jeu qu’il a lui-même
imaginé. Certains transmettent des informations importantes à la police,
d’autres à l’administration fiscale, d’autres à un « ami influent »,
etc.
Quelques-uns vont jusqu’à se voir agent secret. Tous espèrent
une certaine reconnaissance de ce qu’ils font ; simple reconnaissance de
principe ou petits services rendus en retour. Mais l’immense majorité
de ces mouchards argue du patriotisme sans lequel ils douteraient bien
vite du bien-fondé de leurs dénonciations ordinaires. Dans le cas du
petit mouchard comme dans celui de tous ceux qui sont plus près du
tronc, les services secrets ne sont jamais dupes et, de toute façon, ils
ne s’en remettent jamais à la seule confiance. Nous aurons, dans un
prochain chapitre, l’occasion d’étudier en détail la dimension
psychologique du monde des services secrets, car elle est très riche.
SUITE
PDF ICI :
https://sergemarjollet.mouvup.live/wp-content/uploads/2017/02/lieutenant-colonel-x-methodes-speciales-services-secrets.pdf
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