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Le temps consacré au sommeil varie grandement avec l’âge. En gros, de la naissance à la mort, il ne fait que diminuer. ![]()
Un
nouveau-né dort en moyenne 16 heures par jour, mais dès cet âge,
on observe de « gros dormeurs » (20 heures) et de « petits
dormeurs » (12 heures). Le sommeil du nouveau-né est indifférent
au jour et à la nuit et est morcelé en périodes de 3 à
4 heures, le besoin de téter étant la principale source d’éveil.
Environ la moitié de ce temps de sommeil est du sommeil paradoxal, ce qui
constitue le double de ce que l’on observe chez l’adulte.
![]()
Cette
grande quantité de sommeil paradoxal chez le très jeune enfant favoriserait
le développement de son système nerveux central. En effet, on sait
que l’activité
nerveuse aide les synapses en formation à trouver leur cible. Or cette
activité
nerveuse est très intense durant le sommeil paradoxal et les
fréquents épisodes de celui-ci favoriseraient donc l’activation
des voies nerveuses et l’établissement entre elles des contacts synaptiques
appropriés.
La
durée du sommeil paradoxal des personnes âgées décline
pour tourner autour de 15% de leur temps de sommeil. Le sommeil le plus profond
(stade 4) diminue aussi progressivement avec
l’âge, contribuant à rendre le sommeil plus sensible aux perturbations
de toute sorte. Étant donné l’importance du sommeil lent pour
le système immunitaire, il se pourrait bien que la diminution de celui-ci
rende aussi plus vulnérable aux maladies.
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A quoi servent les rêves ? Et d’abord, est-il vraiment pertinent de poser la question d'une fonction biologique des rêves au même titre que la nutrition ou la respiration par exemple ? Si certains neurobiologistes répondent non à cette question et considèrent les rêves comme de simples épiphénomènes associés à l’activité cérébrale, d’autres pensent qu’ils contribuent au développement épigénétique ou au traitement de l’information récemment acquise.
D’autres
encore, bien qu’appuyant leur théorie sur des données neurobiologiques
issues de l’imagerie cérébrale des années 1990, y voient
une manifestation psychologique qui, dans la lignée de Freud, pourrait
être porteuse de sens.
Pourquoi
les rêves disparaissent-ils quand cette région impliquée dans
le renforcement
positif et la motivation est lésée ? Probablement parce que
la transmission dopaminergique est perturbée. C’est en tout cas ce
que l’on observe chez les personnes qui prennent des médicaments
reconnus pour diminuer la concentration en dopamine et qui rêvent beaucoup
moins. Et le contraire est aussi vrai : les patients qui prennent des médicaments
qui augmentent l’activité dopaminergique dans cette voie, comme la
L-Dopa prise par ceux qui souffrent de la maladie de Parkinson, rêvent plus
intensément qu’avant et ce, sans que la fréquence et la durée
des phases de sommeil
paradoxal ne soient modifiées.
Pour Solms,
il semble donc clair que si le sommeil paradoxal est généré
dans les régions les plus ancestrales du tronc cérébral,
les rêves pourraient quant à eux naître au niveau cortical.
Et la participation d’aires frontales et occipito-temporo-pariétales
régulant la mémoire, les sentiments et la motivation viendrait appuyer
l’idée que le rêve sert en quelque sorte à traiter à
nouveau des événements subjectifs déjà vécu
par le sujet. Bref, avec la théorie de Solms, les rêves peuvent avoir
un sens et les fondements de la psychanalyse se trouvent épargnés,
contrairement à l’hypothèse
de Hobson et McCarley où les rêves ne sont que le résultat
d’un bombardement aléatoire du cortex par des signaux provenant du
pont et dénués de sens.
Cette
théorie de l’origine corticale des rêves soulève plusieurs
questions, notamment la difficulté de concilier le souvenir si évanescent
de nos rêves avec un rôle aussi fondamental pour l’équilibre
psychique que celui sous-tendu par cette théorie.
La
question du caractère étrange et fragmentaire de nos récits
oniriques est d’ailleurs au centre d’une autre théorie audacieuse
sur l’origine de nos rêves : on ne rêverait peut-être
pas en dormant, mais en se réveillant ! Cette théorie,
développée par Jean-Pol Tassin, part du paradoxe
que la conscience s’évanouit durant le sommeil mais que le rêve
ne peut exister que si nous en prenons conscience. Or selon Tassin et ses collaborateurs,
durant le sommeil paradoxal, le cerveau est actif mais son activité ne
permet ni la
conscience, ni le rêve.
Un corollaire neurobiologique
appuie d’ailleurs cette interprétation : des
neurones neuromodulateurs à la noradrénaline et à la sérotonine
nécessaires pour que l’information nerveuse soit maintenue au-delà
de quelques millisecondes dans le cerveau cessent de fonctionner durant le sommeil.
Lorsqu’on se réveil, ces neurones nécessaires
à la conscience se remettent en action et nous permettraient alors de prendre
conscience des images subliminales générées durant notre
sommeil. Le rêve pourrait donc se construire en aussi peu que les quelques
centièmes de secondes que dure notre réveil. C’est alors qu’on
pourrait par exemple intégrer la lumière ou les paroles qui nous
ont réveillé dans le récit du rêve, comme on l’observe
parfois.
Comment expliquer alors qu’on a l’impression
de rêver pendant la nuit ? On a observé lors d’enregistrements
d’EEG durant la nuit complète que même un bon dormeur peut
se réveiller jusqu’à dix fois par nuit et se rendormir rapidement
et ce, même s’il vous dit qu’il a dormi d’un trait. Durant
ces « micro-éveils » de quelques secondes ou fractions
de seconde, le cerveau se trouve dans un état identique à l’éveil,
mais si peu longtemps que nous nous en souvenons très rarement. Ce serait
pendant ces micro-éveils que nous pourrions rêver, c’est-à-dire
organiser en récit des images mentales souvent hétéroclites.
Et comme générateur d’images mentales hétéroclites,
le sommeil paradoxal semble être le candidat tout désigné,
bien
que le sommeil lent puisse aussi en générer. En plus, le sommeil
paradoxal est le stade du sommeil où les éveils spontanés
sont les plus fréquents.
Ce modèle fournit
donc une explication à l’aspect illogique, impossible ou irréel
des scénarios de la majorité de nos rêves : comme la
prise de conscience qui donne naissance au rêve se produit dans un temps
très court suivant fréquemment une phase de sommeil paradoxal, les
réminiscences seraient trop disparates pour être intégrées
en un récit cohérent, et notre cerveau conscient « forcerait »
un peu la réalité pour donner un sens à ces images. Ce ne
serait d’ailleurs pas le seul phénomène où le cerveau
nous joue des tours en voulant donner du sens à des stimuli déroutants,
certaines
illusions d’optiques et les expériences de split-brain allant
aussi en ce sens (voir capsule expérience à gauche).
Pour
Tassin, le rêve correspondrait donc à l’expression consciente
lors de l’éveil de l’activité cérébrale
inconsciente du sommeil. Le rêve demeurerait ainsi dépendant du sommeil
car il naîtrait de la réactivation brutale, lors de l’éveil,
des neurones à sérotonine et à noradrénaline dont
l’activité est indispensable à la conscience.
Si
cette hypothèse s’avère exacte, plusieurs observations pourraient
s’interpréter autrement. Par exemple, en réveillant un dormeur,
on n’interrompt pas un rêve, on lui donne naissance ! Et le
chat endormi mais « désinhibé » de Jouvet
ne faisait alors que reproduire des gestes effectués pendant la journée,
sans percevoir consciemment les images liées à ces gestes. Donc
sans rêver.
De plus, cette conception du rêve
permet d’entrevoir une signification possible des rêves pour le sujet.
Car si le rêve survient en quelques centaines de millisecondes, la censure
qui peut exister à l'état d'éveil n'apparaît plus.
D'où le caractère "bizarre" du rêve, lequel gagne
alors à être interprété.
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La narcolepsie, autrefois appelée « maladie du sommeil », est une hypersomnie qui se caractérise par une somnolence excessive durant la journée pouvant aller jusqu’à des attaques de sommeil brutales et irrépressibles plusieurs fois par jour. La personne tombe donc littéralement endormie à toute heure du jour. De plus, lors de ces attaques, la personne passe directement de l’état de veille à une phase de sommeil paradoxal, ce qui est tout à fait singulier puisque les personnes saines passent invariablement par une période de sommeil lent avant d’accéder au sommeil paradoxal. En fait, de nombreux symptômes de la narcolepsie peuvent être vus comme l’intrusion d’une phase de sommeil paradoxal chez une personne éveillée. ![]()
De
plus en plus d’études chez l’animal et chez l’humain
(voir encadré à gauche) convergent vers une implication des hypocrétines
dans la narcolepsie. Les hypocrétines (ou orexines) sont
des neuropeptides produits uniquement dans des neurones l’hypothalamus.
Or, plusieurs analyses post-mortem chez l’humain ont démontré
une baisse marquée du nombre de ces neurones dans le cerveau de personnes
narcoleptiques comparé à celui de personnes saines.
Dans
sa forme complète, la narcolepsie s’accompagne aussi d’une
manifestation pour le moins surprenante quand on en est témoin : la
cataplexie. Il s’agit d’une baisse de tonus musculaire
soudaine de courte durée (moins d’une minute) et d’intensité
variable. Elle peut aller d’une simple faiblesse au niveau du cou, des genoux
ou des muscles de la face à une paralysie totale provoquant la chute de
la personne sur le sol.
L’attaque de cataplexie est habituellement déclenchée par une émotion forte comme un fou rire, la colère, la surprise ou encore l’excitation sexuelle. Ces patients sont souvent conscients durant ces attaques, mais incapable de bouger, ce qui est une situation assez terrifiante. Encore une fois, le lien avec le sommeil paradoxal est évident : il s’agit d’une atonie musculaire en tout point semblable à celle qui survient durant le « REM » pour empêcher le corps d’actualiser nos rêves.
La
paralysie du sommeil et l’hallucination liée au
sommeil sont d’autres symptômes de la narcolepsie. La première
se traduit par l'impossibilité temporaire de parler ou de bouger à
l'endormissement ou à l'éveil, situation pour le moins déconcertante,
surtout lorsque la personne n’en connaît pas l’origine. Quant
aux hallucinations liées au sommeil, également expérimentées
dans la transition veille – sommeil ou lors d’une baisse de vigilance
durant la journée, elles sont des expériences bizarres et désagréables
ressemblant à un rêve éveillé.
On regroupe sous l’appellation de parasomnies
un ensemble de phénomènes anormaux qui surviennent au cours du sommeil.
Plusieurs parasomnies touchent particulièrement les enfants. C’est
le cas de la terreur nocturne qui est un phénomène complètement
différent du simple cauchemar.
Les
terreurs nocturnes sont pour leur part des événements,
biologiquement et psychologiquement différents des cauchemars. Elles débutent
chez les enfants de 3 à 6 ans et disparaissent généralement
durant l’adolescence. L’enfant en proie à une terreur nocturne
crie, hurle, a les yeux ouverts et peut tenir des propos incohérents en
gesticulant. Contrairement au cauchemar où les gens peuvent se rappeler
clairement des éléments du cauchemar au réveil, les terreurs
nocturnes se caractérisent par une confusion lors du réveil, l’absence
de rappel d’une imagerie onirique élaborée et la présence
d’une activation intense du système nerveux autonome provoquant sueurs,
élévation de la fréquence cardiaque et de la pression sanguine,
etc. De plus, alors que les cauchemars surviennent surtout en sommeil paradoxal
durant la seconde moitié de la nuit, les terreurs nocturnes surviennent
typiquement en sommeil lent profond (stades 3 et 4) durant les premières
heures de la nuit. L’épisode entier qui peut durer de 1 à
20 minutes est habituellement oublié le matin suivant alors que l’enfant
se réveille de bonne humeur.
L’énurésie,
c’est-à-dire l’involontaire « pipi au lit »
pendant la nuit, laisse pour sa part des traces indéniables au matin…
Les enfants sont qualifiés d'énurétiques s’ils mouillent
leur lit plus de deux fois par semaine après l'âge de 5 ou 6 ans,
donc bien après être devenus propres. Soutenir l’enfant plutôt
que de le punir ou l’humilier lui permet de conserver une bonne estime de
soi malgré ce dérèglement qui disparaît généralement
à l’adolescence.
Le somnambulisme
est une autre parasomnie particulièrement fréquente chez l’enfant.
Environ le tiers des enfants seraient somnambule un jour ou l'autre et environ
3 % le serait à chaque mois. Encore ici, les épisodes de somnambulisme
disparaissent progressivement avec l’âge, de sorte que 1 à
4 % des adultes en auraient encore à l’occasion.
Contrairement
à la croyance populaire, il n'est pas dangereux de réveiller un
somnambule. Ce peut être par contre assez difficile car les épisodes
de somnambulisme, qui durent généralement autour de 10 minutes,
surviennent pendant notre sommeil lent le plus profond, le
stade 4, et donc dans
les premiers cycles de notre nuit de sommeil. Le somnambulisme n’est
donc pas provoqué par des rêves et n’en est pas accompagné.
On pense qu’un épisode de somnambulisme
est déclenché par quelque chose, un bruit, une envie d’uriner,
qui provoquent alors le réveil du corps mais pas celui du cerveau ! Le
somnambule peut alors se promener, ouvrir le frigo, manger, décrocher le
téléphone, jouer de la musique sans avoir conscience de ses actes.
Comme ces fonctions cognitives très partielles ne sont pas sans danger,
la meilleure chose à faire est de raccompagner la personne somnambule doucement
dans son lit.
La somniloquie, qui
est le fait de parler pendant le sommeil, peut pour sa part survenir autant en
sommeil lent qu’en sommeil paradoxal. Les mots sont généralement
si mal articulés et les phrases vides de sens que celui qui les entend
demeure perplexe. Les épisodes survenant en sommeil paradoxal tendent toutefois
à être plus élaborés.
Le bruxisme est une autre parasomnie
étrange qui consiste en des grincements de dents répétitifs
et involontaires qui provoquent une usure anormale des dents et un inconfort des
muscles de la mâchoire. Si le mouvement des mâchoires durant le sommeil
s’observe chez environ la moitié de la population, seuls 6 % des
gens vont aller jusqu’aux grincements de dents durant les stades du sommeil
lent léger qui caractérisent le bruxisme. Les mécanismes
de cette maladie ne sont pas encore complètement élucidés,
bien qu’il soit maintenant admis qu’ils se situent bien au niveau
du système nerveux central. La diminution du stress et le port d’un
appareil buccal pouvant prévenir le dommage dentaire sont généralement
bénéfiques.
Le trouble comportemental en sommeil paradoxal
(« REM behavior disorder » ) est une pathologie rare
mais fascinante qui touche cette fois-ci les personnes âgées. Il
s’agit d’une forme de déambulation nocturne qui, de l’extérieur,
peut ressembler au somnambulisme. Mais il y a une différence de taille
puisque la personne n’est pas en sommeil lent mais bien en sommeil paradoxal
durant ces comportements. Normalement, les muscles d’un dormeur en sommeil
paradoxal sont complètement paralysés à l’exception
des muscles respiratoires et des muscles oculaires. Or les individus qui
souffrent de trouble comportemental en sommeil paradoxal ne subissent justement
pas la paralysie caractéristique du sommeil paradoxal et sautent littéralement
du lit pour mimer leur rêve tout en continuant de dormir ! Il s’agit
d’un trouble très dangereux puisque ceux qui en souffrent se blessent
souvent en extériorisant leurs rêves, tentant de fuir ou de combattre
des agresseurs inexistants. Agresseurs qui peuvent prendre la forme du partenaire
de lit qui passe alors un mauvais quart d’heure… Heureusement l’état
de ces patients peut s’améliorer avec certains médicaments
parmi lesquels figure la benzodiazépine
clonazepam.
Chez plusieurs de ces patients, on a pu démontrer la présence d’une lésion au niveau du tronc cérébral, c’est-à-dire dans les régions responsables de l’atonie musculaire du sommeil paradoxal. Les mêmes régions qui, lorsque lésées chez le chat, lui permettait « d’extérioriser ses rêves ». Ces régions qui permettent l’atonie musculaire durant le sommeil paradoxal se seraient vraisemblablement mises en place au cours de notre évolution pour éviter justement ce qui arrive aux personnes atteintes de trouble comportemental en sommeil paradoxal.
La
paralysie du sommeil, très fréquente chez les narcoleptiques,
peut aussi exister d'une manière isolée, sans autre pathologie associée.
Cette parasomnie se produit au moment de l’endormissement ou au moment du
réveil et dure typiquement quelques minutes. Pendant cette période,
la personne est incapable de bouger ou de parler. Cette paralysie pour le moins
angoissante peut également s’accompagner d’hallucinations visuelles,
auditives et même tactiles, appelées hallucinations hypnagogiques.
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D’un point de vue comportemental, on définit le sommeil par 4 critères : activité motrice réduite; réponses aux stimuli externes diminuées; posture stéréotypée (couché et les yeux fermés chez l’humain); et réversibilité relativement facile. Ces critères distinguent le sommeil du coma et de l’hibernation (voir encadré). Comparé à l’éveil et au sommeil paradoxal, le sommeil lent montre sur l’électroencéphalogramme (ou EEG) une plus grande amplitude et une fréquence moindre. De l’assoupissement au sommeil profond dans lequel on plonge environ une heure et demie après le début de la nuit, cette amplitude va croître de plus en plus, et cette fréquence diminuer tout autant. On a donné, de façon quelque peu arbitraire, des noms à différentes fourchettes de fréquences d’oscillation de ce tracé de l’EEG. Dans un spectre allant de la plus grande fréquence à la plus faible, on retrouve donc :
Ces différents rythmes, ainsi que d’autres
qui vont être présentés ci-bas, allaient servir de critères
importants pour définir 4 stades distincts du sommeil lent.
Il est bien évident que le glissement vers un sommeil de plus en plus profond
au début de la nuit se fait progressivement, mais ces 4 stades constituent
des repères pratiques pour décrire le niveau de profondeur du sommeil
lent.
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