Un dispositif cérébral
pour les paralysés se met à penser
par Robert Lee Hotz, écrivain du Times, 7 décembre 2004
NEW YORK - En exploitant les échos électriques de la pensée, les chercheurs ont mis au point un moyen permettant aux utilisateurs de contrôler un curseur d’ordinateur simplement en y réfléchissant.
L’appareil, qui a jusqu’à présent été testé avec succès sur quatre personnes, ne nécessite ni implants, ni chirurgie, ni aucune autre procédure médicale invasive, ont annoncé lundi les chercheurs. Les efforts précédents ont nécessité des électrodes câblées directement dans les cellules du cerveau.
Des scientifiques du Département de la santé de l’État de New York et de l’Université de l’État de New York ont mis au point un système de surveillance de l’électricité faible émise naturellement par chaque cerveau, puis ont créé un logiciel informatique spécial pour traduire ces réflexions de pensée en action directe.
La recherche, rendue publique dans les Actes de l'Académie nationale des sciences, semble offrir un moyen aux personnes paralysées par un accident vasculaire cérébral, une lésion de la colonne vertébrale ou la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Lou Gehrig) de faire fonctionner des ordinateurs ou des prothèses en imaginant le mouvement. .
"C'est une réalisation impressionnante", a déclaré John Donoghue, neuroscientifique de l'Université Brown, qui n'a pas participé au projet de recherche. "Un tel dispositif a un grand potentiel pour améliorer la vie des personnes paralysées."
Les scientifiques ont longtemps cherché à combler le gouffre de nerfs endommagés entre les cellules du cerveau qui contrôlent le mouvement ou la parole et les muscles que ces cellules cherchent à animer.
En développant un lien entre l'esprit et l'ordinateur, ils espèrent que les patients incapables de bouger ou de parler pourront reprendre leur interaction avec le monde qui les entoure. Les chercheurs estiment à plus d'un demi-million le nombre de patients "bloqués" - des personnes qui, en raison d'une maladie ou d'une blessure, sont incapables de contrôler suffisamment leurs muscles pour activer un dispositif de communication.
Des implants expérimentaux développés par des groupes de recherche indépendants de Brown, SUNY et Duke University ont permis aux singes de contrôler les curseurs et les membres robotiques grâce au pouvoir de la pensée, et même de faire fonctionner des appareils à distance.
À partir de 1999, plusieurs patients paralysés d’Atlanta ont subi une intervention chirurgicale expérimentale pour implants cérébraux qui leur permettait un contrôle rudimentaire d’un ordinateur.
Donoghue, qui est également directeur scientifique de Cyberkinetics Inc. à Foxborough, dans le Massachusetts, mène des essais cliniques sur un implant de la taille d’un M & M, qui permettrait aux utilisateurs d’envoyer des courriers électroniques, de surfer sur le Web et de commander d’autres ressources informatiques penser à eux.
La nouvelle interface cerveau-ordinateur élimine toutefois la nécessité d'une intervention chirurgicale.
Les chercheurs ont utilisé une pelote de 64 électrodes dans un capuchon placé sur le cuir chevelu pour écouter l'énergie gaspillée de la pensée, puisant dans les schémas de l'électricité neurale qui se dissipent normalement à proximité immédiate du crâne.
"En utilisant des signaux enregistrés sur le cuir chevelu, les gens peuvent apprendre à maîtriser leurs mouvements", a déclaré le neurologue clinicien Jonathan R. Wolpaw, qui a passé les dix dernières années à développer le système expérimental avec le psychologue Dennis J. McFarland. "Ils peuvent réaliser un contrôle extrêmement précis et rapide. Il n'est peut-être pas nécessaire de coller quelque chose dans le cerveau."
Afin de capturer les signaux neuronaux appropriés, les chercheurs n'avaient besoin que de positionner les électrodes autour de l'emplacement général du cortex moteur sensoriel du cerveau. Le logiciel a été conçu pour s'adapter à la capacité croissante du patient à déplacer le curseur.
Jusqu'à présent, trois hommes et une femme ont testé le système. Deux des volontaires avaient des lésions de la colonne vertébrale qui les ont confinés à des fauteuils roulants. Ils ont semblé maîtriser la technique plus rapidement que les autres, a déclaré Wolpaw.
Même ainsi, ce n’est pas une panacée, prévint Wolpaw.
Le dispositif nécessitait une pratique considérable, a-t-il déclaré, et dans un avenir prévisible, la supervision étroite d'un scientifique expérimenté.
Les volontaires avaient besoin de plus de cinq semaines de leçons régulières pour maîtriser les bases de la technique, puis de plus en séances de pratique pour perfectionner leurs nouvelles capacités.
L'équipe n'a pas perdu de temps pour perfectionner la technique. En collaborant avec un groupe de recherche en Allemagne, ils ont recruté de nouveaux patients formés à son utilisation.
"Tout le monde veut que le matériel non invasif soit aussi utile que possible, car c'est ce qui serait le plus utile pour la plupart des gens", a déclaré John Chapin, directeur du centre SUNY pour la neurorobotique et la neuroingénierie. "Le type de patient qui pourrait bénéficier d'implants invasifs est un patient très, très malade."
Dans son état actuel, a déclaré Chapin, la nouvelle technique non invasive permettait un mouvement dans seulement deux dimensions - de haut en bas et d'un côté à l'autre - qui convenait certainement à un curseur d'ordinateur, mais manquait de l'amplitude de mouvement requise par un bras robotisé ou une jambe prothétique.
"L'avenir", a déclaré Chapin, "va être une combinaison des deux."
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