INQUIÉTANT ? Des poussières intelligentes (SMART DUST )
nano DAARPA
Des poussières intelligentes qui informent à distance d’une présence
ennemie, des vêtements qui se transforment avec le temps qu’il fait,
des médicaments mieux diffusés, un dépistage très précoce des cancers…
Bienvenue dans un monde nanotechnologique annoncé par certains
chercheurs pour 2010 ! Autant dire demain. Alors, il est plus que temps
d’envisager, derrière les fantasmes médiatisés et les promesses des
gouvernements, les dessous de cette « révolution » : menace directe sur
la souveraineté alimentaire partout dans le monde, redoutable outil
potentiel de surveillan- ce, une technologie taillée pour la guerre
biologique, beaucoup d’inconnues en ma- tière de santé publique et
d’environnement… Autant de points qui questionnent : à qui profiteront
les nanotechnologies
L’histoire se passe quelque part dans
l’infiniment petit, au milliardième de mètre, au millième de micron : au
nanomètre. À l’échelle nanométrique, la matière quitte le domaine de la
chimie et de la physique conventionnelles pour pénétrer celui de la «
mécanique quantique » – conférant des caractéristiques nouvelles aux
matériaux traditionnels et présentant des risques nouveaux en matière de
santé. Car en intervenant simplement à une échelle réduite (à moins de
100 nm) sans pour autant modifier la substance, on peut considérablement
changer les propriétés d’un matériau. Les caractéristiques – telles que
conductivité électrique, réactivité, solidité, couleur et, surtout
toxicité – sont susceptibles de se modifier de façon imprévisible. Par
exemple, une substance qui est rouge quand elle mesure un mètre de large
peut être verte quand elle ne fait plus que quelques nanomètres ; sous
forme de graphite, le carbone est souple et malléable, mais s’avère plus
solide que l’acier à l’échelle nanométrique. Un seul gramme de matériau
catalyseur composé de particules de dix nanomètres est environ cent
fois plus réactif qu’un gramme de ce même matériau composé de particules
d’un micromètre. Depuis quelques années, le domaine des
nanotechnologies, qui englobe donc les manipulations de la matière à
l’échelle des atomes et des molécules, converge à vitesse grand V vers
ceux des biotechnologies et des technologies de l’information pour
modifier radicalement les fondements de nos systèmes alimentaire et
agricole. Au cours des deux prochaines décennies, l’impact de cette
convergence sur l’agriculture et l’alimentation dépassera celui de la
mécanisation agricole ou de la Révolution verte, avec pour conséquence
une redynamisation des industries meurtries de l’agrochimie et de
l’agrobiotechnologie, et soulevant un débat
nouveau et intense
sur les aliments « atomiquement modifiés ». Du sol à l’assiette, les
nanotechnologies vont non seulement modifier le fonctionnement de chaque
étape de la chaîne alimentaire, mais elles vont aussi en affecter tous
les acteurs. Et l’agriculture pourrait bien servir de terrain d’essai à
des technologies destinées à la surveillance, au contrôle social, voire à
la guerre biologique.
Un gros retard d’information
Comme les
nanotechnologies concernent l’ensemble de la matière, les nanobrevets
peuvent avoir de profonds impacts non seulement pour le secteur de
l’alimentation mais pour l’ensemble de l’économie. La fusion des
nanotechnologies et des biotechnologies transformera radicalement les
besoins industriels en matières premières agricoles, mais on ignore
encore ses conséquences sur la santé, la biodiversité et
l’environnement. Aucun gouvernement n’a encore
développé de
réglementation concernant l’échelle nanométrique ou étudié les impacts
de l’invisiblement petit sur notre société. Quelques aliments et
produits nutritionnels contenant des additifs nanométriques invisibles,
non indiqués par l’étiquetage car ne relevant d’aucune réglementation,
sont déjà disponibles dans le commerce. De même, bon nombre de
pesticides élaborés à l’échelle nanométrique sont déjà sur le marché et
ont été répandus dans l’environnement. Aux États-Unis, le débat sur les
aliments transgéniques (génétiquement modifiés) a non seulement omis
d’aborder les questions de santé et d’environnement, mais il a
désastreusement ignoré les enjeux politiques de la propriété
intellectuelle et du contrôle sous-jacent aux situations
monopolistiques. Questions cruciales : quelles vont en être les
conséquences sur la société ? Et qui va en bénéficier ? La communication
gouvernementale affiche huit à dix ans de retard sur le besoin
d’information de la société, le débat public et les politiques menées.
I - MAIN BASSE SUR LʼAGRICULTURE
Uniformisée,
automatisée, lʼagriculture version nanométrique promet des lendemains
qui chantent à lʼindustrie agroalimentaire. On commence à libérer dans
la nature des plantes atomiquement modifiées, des nanopesticides,
nanofibres et autres nanocapsules sans en connaître lʼimpact sur les
sols et les organismes vivants, animaux ou humains.
Uniformisée,
automatisée, lʼagriculture version nanométrique promet des lendemains
qui chantent à lʼindustrie agroalimentaire. On commence à libérer dans
la nature des plantes atomiquement modifiées, des nanopesticides,
nanofibres et autres nanocapsules sans en connaître lʼimpact sur les
sols et les organismes vivants, animaux ou humains.
Une agriculture asservie à l’industrie
En
décembre 2002, le ministère de l’Agriculture américain a rédigé le
premier « état des lieux » mondial de l’application des nanotechnologies
à l’agriculture et à l’alimentation. Un large éventail de décideurs
politiques, de représentants d’universités agronomiques, de chercheurs
du privé, se sont réunis à l’université de Cornell (New York) pour
partager leur vision du remaniement de l’agriculture provoqué par
l’émergence des nanotechnologies. Il ressort de ces débats que
l’agriculture version nanométrique doit être plus uniforme, davantage
automatisée, industrialisée et réduite à ses plus simples fonctions. La
ferme serait alors un centre de bioproduction étendu pouvant être
contrôlé et dirigé depuis un ordinateur portable et les aliments
seraient fabriqués à partir de substances sur mesure assurant une
distribution efficace de nutriments à l’organisme. Grâce aux
nanobiotechnologies, l’agriculture pourra récolter davantage de matières
premières à des fins industrielles. Dans un même temps, les produits
agricoles tropicaux tels que le caoutchouc, le cacao, le café et le
coton – ainsi que les petits exploitants qui les cultivent – deviendront
désuets et inutiles dans cette nouvelle nanoéconomie de « la matière
flexible » où les propriétés des nanoparticules industrielles pourront
être ajustées pour créer des substituts moins chers et « plus
intelligents ». Tout comme l’agriculture transgénique a engendré une
nouvelle concentration d’entreprises tout au long de la chaîne
alimentaire, la nanotechnologie brevetée, déployée depuis les graines
jusqu’à l’estomac, depuis le génome jusqu’au gosier, renforcera
l’emprise de l’industrie agroalimentaire sur l’agriculture et
l’alimentation mondiales – tout cela, ostensiblement, dans le but affiché
de traiter la malnutrition, de sauvegarder l’environnement et d’offrir un
choix plus large aux consommateurs.
Des plantes atomiquement modifiées
Depuis
deux générations, les chercheurs manipulent l’alimentation et
l’agriculture à l’échelle moléculaire. L ’agronanotechnologie franchit
un pas de plus en maillant l’ensemble de la chaîne alimentaire
industrielle. Avec les nouvelles nanotechnies de mélange et
d’exploitation des gènes, les plantes génétiquement modifiées deviennent
des plantes atomiquement modifiées. On peut conditionner des pesticides
avec une plus grande précision pour neutraliser les nuisibles
indésirables et trafiquer les arômes artificiels ou nutriments pour
satisfaire le palais. Le projet d’une agriculture industrielle
automati- sée à commande centrale utili- sant des capteurs moléculaires,
des systèmes de distribution moléculaires pour un coût de main-d’œuvre
réduit est désormais réalisable. Les processus naturels on déjà été
largement réorganisés. Afin d’augmenter le rendement des cultures durant
la Révolution verte, les scientifiques de l’hémisphère nord ont cultivé
des plantes semi-naines capables de mieux absorber les engrais
synthétiques et, ce faisant, augmentant les besoins en pesticides.
Les herbicides, eux, sont préservés
Pour
renforcer cette dépendance, l’industrie de la biotechnologie agricole a
conçu des plantes capables de tolérer des produits chimiques toxiques.
Les sociétés de l’agrobiotechnologie avaient le choix : mettre au point
de nouveaux produits chimiques pour répondre aux besoins des plantes ou
manipuler les plantes pour répondre aux besoins des herbicides
industriels. Elles ont choisi de préserver leurs herbicides.
Aujourd’hui, l’industrie des nanotechnologies suit le même chemin,
recherchant comment asservir la vie et la matière aux besoins de
l’industrie. Des chercheurs sont en train d’élaborer de nouvelles
techniques faisant appel aux nanoparticules pour introduire
subrepticement de l’ADN étranger dans des cellules. Par exemple, à
l’Oak Ridge National Laboratory, laboratoire du ministère américain de
l’Énergie qui a joué un rôle majeur dans
la production d’uranium enrichi pour le Manhattan Project (mise au point
de la bombe atomique), des chercheurs ont élaboré une nanotechnique
permettant l’injection d’ADN dans des millions de cellules à la fois. On
synthétise des millions de nanofibres de carbone auxquelles sont fixés
des brins d’ADN synthétique sur une puce de silicium. Les cellules
vivantes sont alors projetées contre les fibres et, transpercées par ces
dernières, reçoivent une injection d’ADN. « C’est comme lancer une
poignée de balles de baseball contre une planche à clous... Nous jetons
littéralement les cellules sur les fibres, puis nous enfonçons les
cellules dans la puce afin de faire pénétrer un peu plus les fibres dans
la cellule », explique Timothy McKnight, ingénieur à l’Oak Ridge
Laboratory. Une fois injecté, l’ADN synthétique produit des protéines
aux caractéristiques nouvelles. Oak Ridge a amorcé une collaboration
avec l’Institute of Paper Science and Technology dans le cadre d’un
projet visant à utiliser cette technique pour la manipulation génétique
du pin blanc, première source de pâte à bois pour l’industrie du papier
aux États-Unis. Contrairement aux méthodes de manipulation génétique
existantes, cette technique élaborée par les scientifiques d’Oak Ridge ne
transmet pas, en théorie, les traits modifiés aux générations suivantes
car l’ADN reste attaché à la nanofibre de carbone et s’avère incapable de
s’intégrer au propre génome des plantes. Par conséquent, il n’est
possible de reprogrammer
la production d’uranium enrichi pour le
Manhattan Project (mise au point de la bombe atomique), des chercheurs
ont élaboré une nanotechnique permettant l’injection d’ADN dans des
millions de cellules à la fois. On synthétise des millions de nanofibres
de carbone auxquelles sont fixés des brins d’ADN synthétique sur une puce
de silicium. Les cellules vivantes sont alors projetées contre les
fibres et, transpercées par ces dernières, reçoivent une injection d’ADN.
« C’est comme lancer une poignée de balles de baseball contre une
planche à clous... Nous jetons littéralement les cellules sur les fibres,
puis nous enfonçons les cellules dans la puce afin de faire pénétrer un
peu plus les fibres dans la cellule », explique Timothy McKnight,
ingénieur à l’Oak Ridge Laboratory. Une fois injecté, l’ADN synthétique
produit des protéines aux caractéristiques nouvelles. Oak Ridge a amorcé
une collaboration avec l’Institute of Paper Science and Technology dans
le cadre d’un projet visant à utiliser cette technique pour la
manipulation génétique du pin blanc, première source de pâte à bois pour
l’industrie du papier aux États-Unis. Contrairement aux méthodes de
manipulation génétique existantes, cette technique élaborée par les
scientifiques d’Oak Ridge ne transmet pas, en théorie, les traits modifiés
aux générations suivantes car l’ADN reste attaché à la nanofibre de
carbone et s’avère incapable de s’intégrer au propre génome des plantes.
Par conséquent, il n’est possible de reprogrammer
Un riz thai
nano-idéal En mars 2004, l’ETC Group a produit un rapport sur une
initiative de recherche thaïlandaise visant à modifier atomiquement les
caractéristiques de variétés de riz locales. Dans le cadre d’un projet
de trois ans mené par le laboratoire de physique nucléaire de
l’université de Chiang Mai, des chercheurs ont « percé » l
Les études toxicologiques de certaines nanofibres de carbone ont démontré une inflammation des cellules.
qu’une
seule génération de cellules, ce qui, selon ces mêmes chercheurs,
devrait apaiser les inquiétudes relatives aux plantes génétiquement
modifiées pour lesquelles les gènes sont transférés entre organismes
n’ayant aucun lien de parenté ou bien sont prélevés et réarrangés au
sein d’une espèce.
Des « Terminator » en puissance
Si cette
nouvelle technique permet aux chercheurs d’activer ou de désactiver à
leur guise un trait essentiel telle que la fertilité, les sociétés de
semences vont-elles utiliser ces minuscules terminateurs pour empêcher
les agriculteurs de récupérer et de réutiliser les graines récoltées,
les obligeant alors à revenir chaque année sur le marché des semences
commerciales pour membrane d’une cellule de riz afin d’y insérer un atome
d’azote destiné à stimuler le réarrangement de l’ADN du riz. Pour
l’instant, ils ont ainsi réussi à modifier la couleur d’une variété
locale qui du pourpre est passée au vert. Dans une interview
téléphonique, le Dr Thirapat Vilaithong, directeur du centre de
recherche sur les neutrons rapides de Chiang Mai, a déclaré à
Biodiversity Action Thailand (BIOTHAI) que leur prochaine cible était le
célèbre riz thaïlandais Jasmin dont ils entendent développer des
variétés cultivables tout au long de l’année, avec des pédoncules plus
courts et une plus belle couleur de grain. Selon le Dr Vilaithong, un
des attraits de cette nanotechnologie, à l’instar du programme de
recherche d’Oak Ridge, est d’éviter de faire appel au principe
controversé de la modification génétique. « Nous évitons au moins ça »,
a-t-il déclaré. Mais en Thaïlande, l’opinion publique reste sceptique
quant à cet « avantage ».
Des microcapsules dans le miel
Des pesticides contenant des
nano-ingrédients actifs sont déjà sur le marché, et de nombreuses
sociétés agrochimiques mondiales de premier plan étudient leur
développement. Une approche plus sophistiquée de leur formulation réside
dans l’encapsulation, technique consistant à enfermer le
nano-ingrédient actif dans une sorte de minuscule « enveloppe » ou «
coquille ». On trouve déjà depuis plusieurs décennies sur le marché des
ingrédients alimentaires et des produits agrochimiques microencapsulés.
Selon l’industrie, la reformulation de pesticides en microcapsules a
entraîné « des changements révolutionnaires », y compris la possibilité
de contrôler les conditions de libération de l’ingrédient actif. Selon
l’industrie agrochimique, reformuler des pesticides en microcapsules
peut également étendre la protection conférée par un brevet, augmenter
la solubilité, réduire le contact ingrédients actifs/ouvriers agricoles
et présenter des avantages environnementaux tels que la réduction des
coefficients de drainage. Pour autant, la microencapsulation soulève
certaines inquiétudes :
• Tant l’activité biologique que la durée
d’exposition de l’environnement et des travailleurs sont augmentés ; les
insectes bénéfiques et la vie du sol risquent d’être affectés. • Les
nanopesticides pourraient-ils être absorbés par les plantes et se
retrouver dans la chaîne alimentaire ? • Ces pesticides peuvent être
plus facilement pulvérisés sous forme de poudre ou gouttelettes –
entraînant ainsi un risque d’inhalation et constituant peut-être une
plus grande menace pour la sécurité et la santé de l’homme. • Les
pesticides se présentant sous forme de nanocapsules ou de
nanogouttelettes pourraient- ils afficher une toxicité différente,
pénétrer dans le corps et affecter la faune via de nouvelles voies
d’exposition, par exemple la peau ? • Ils risquent d’être détournés
comme vecteurs d’armes biologiques. • Quels autres déclencheurs
externes pourraient affecter la libération de l’ingrédient actif (par
exemple, liaison
chimique, chaleur ou décomposition de la capsule) ?
• Les microcapsules sont de la taille du pollen et risquent
d’empoisonner les abeilles et/ou d’être rapportées aux ruches et
incorporées au miel. En raison de leur taille, « les insecticides
microencapsulés sont considérés comme plus toxiques pour les abeilles
domestiques que n’importe quelle autre formulation existante. » L’effet
des nanocapsules est-il ainsi plus létale ? • On ignore comment les
nanocapsules « non explosées 0 » se comporteront dans l’intestin humain
si elles sont ingérées avec des aliments.
Cultivateurs de particules
À
l’avenir, les nanoparticules industrielles ne seront peut-être pas
produites dans un laboratoire, mais pousseront dans des champs de
cultures génétiquement modifiées, phénomène que l’on pourrait appeler «
culture des particules ». On sait depuis quelque temps que les plantes
peuvent utiliser leurs racines pour extraire des nutriments et des
minéraux du sol mais des recherches de l’université du Texas-El Paso
confirment
que les plantes peuvent également absorber des nanoparticules
susceptibles d’être industriellement récoltées. Lors d’une culture
expérimentale de particules, on a fait pousser de la luzerne sur un sol
artificiellement enrichi en or dans l’enceinte de l’université. Lorsque
les chercheurs ont examiné les plantes, ils ont découvert des
nanoparticules d’or dans les racines et tout le long de la pousse des
plantes présentant les mêmes propriétés physiques que celles produites à
l’aide de techniques chimiques conventionnelles, qui sont coûteuses et
néfastes pour l’environnement. Il suffit d’extraire les métaux en
dissolvant le matériau organique. Des expériences initiales ont montré
que les particules d’or prenaient des formes aléatoires, mais la
modification de l’acidité du support de culture semble engendrer des
formes plus homogènes. Les chercheurs travaillent actuellement avec du
blé et de l’avoine en plus de la luzerne pour produire des
nanoparticules d’argent, d’europium, de palladium, de platine et de fer.
Pour la production à l’échelle industrielle, les chercheurs supposent
que les plantes à particules peuvent être cultivées à l’intérieur sur
des sols enrichis en or ou dans des mines aurifères désaffectées.
Des risques de dérives eugéniques
Implanter
des dispositifs de localisation dans les animaux n’est pas nouveau
(qu’il s’agisse des nuisibles, des précieux animaux d’élevage ou de la
conservation de la faune). On utilise déjà de diverses façons des puces
injectables afin d’améliorer le bien- être et la sécurité des animaux
(pour étudier leur comportement dans la nature, assurer la traçabilité
de la viande). d’une personne (première autorisation de micropuces à
des fins médicales aux États-Unis). La technologie des capteurs pourrait
profiter à des exploitations agricoles à grande échelle hautement
industrialisées qui sont déjà en train d’adopter des tracteurs équipés
du système GPS et autres techniques d’agriculture de précision. En
définitive, les capteurs sont susceptibles d’augmenter la productivité,
de faire baisser les prix à la ferme, de réduire la main d’œuvre et de
conférer un petit avantage sur le marché mondial aux plus gros
exploitants de fermes industrielles. Ce ne sont pas les petits
exploitants qui vont profiter des réseaux de capteurs omniprésents, mais
les gros négociants en grains qui sont en mesure de rassembler des
données de plusieurs milliers d’exploitations afin de déterminer quelles
sont les
Pourquoi employer des exploitants intelligents quand
des capteurs et des ordinateurs peuvent gérer des « exploitations
intelligentes » à leur
À l’ère de la nanotechnologie cependant, équiper les animaux de la ferme
de capteurs, de puces médicinales et de nanocapsules réduira encore un
peu plus les bêtes à de simples unités de production industrielle. Les
animaux pourraient également servir de cobayes à des applications moins
réjouissantes ou plus risquées, susceptibles d’être étendues à l’homme.
Utiliser la microfluidique pour l’élevage risque d’accélérer l’uniformité
génétique au sein des espèces de bétail et offre aussi la perspective
d’appliquer de nouvelles technologies nano-eugéniques à l’homme. La
capacité de réguler les animaux à distance pourrait également avoir des
effets néfastes puisque le bétail passera de plus longues périodes sans
être soigné directement par l’homme. Ces mêmes technologies transférées à
l’homme soulèvent de profondes inquiétudes quant à la qualité de vie et
aux libertés civiles. En octobre 2004, la Food and Drug Administration
(des États-Unis) a autorisé l’usage de micropuces implantables chez
l’homme afin d’offrir un accès facile aux antécédents médicaux
espèces cultivées, par qui et quel en sera le prix, en fonction de la demande du marché et des prix mondiaux.
La distance se substitue à l’intime
Les
capteurs vont marginaliser les atouts les plus précieux des exploitants
: leur connaissance intime du lieu, du climat, des sols, des graines,
des récoltes et de la culture. Dans un monde contrôlé par la technologie
sans fil, tout cela est réduit à des données brutes en temps réel,
interprétées puis exploitées à distance. Pourquoi employer des
exploitants intelligents quand des capteurs et des ordinateurs peuvent
gérer des « exploitations intelligentes » à leur place ? Certains
pourraient également insister pour que les réseaux de capteurs agricoles
soient utilisés comme systèmes de surveillance civile motivés par la «
sûreté nationale ».
UN MONDE SOUS NANOSURVEILLANCE Déclenchables à
distance et capables de pénétrer dans lʼorganisme sans alerter le
système immunitaire, les nanocapsules pourraient constituer des armes de
guerre biologique redoutables. Tandis que des nanocapteurs
informeraient en temps réel des mouvements de troupe comme de ceux des
populations civiles.
Les réseaux de capteurs sans fil – que ce
soit dans l’agriculture ou toute autre application – menacent d’étouffer
la dissidence et d’envahir la vie privée. Michael Mehta, sociologue à
l’université du Saskatchewan (Canada), pense que l’environnement équipé
de capteurs multiples pourrait détruire toute notion de vie privée,
créant un phénomène de « nano-panopticisme » (c’est-à-dire, tout voir)
dans lequel les citoyens se sentent constamment surveillés. Dans un
récent rapport intitulé « Nanoscience et nanotechnologies : opportunités
et incertitudes » , la Royal Society britannique a également mis en
lumière les problèmes de confidentialité posés par les nanocapteurs : «
…Ces systèmes [de capteurs] pourraient être utilisés d’une façon portant
atteinte à l’intimité individuelle ou collective par une surveillance
secrète, en collectant et distribuant des informations personnelles
(tels que le profil sanitaire ou génétique) sans le consentement des
personnes, et en remettant toutes ces informations entre les mains de
ceux qui possèdent les ressources nécessaires pour développer et
contrôler de tels réseaux. »
Armes biologiques en vue
Parce
qu’elles peuvent transporter des substances destinées à nuire à l’homme
aussi bien qu’à des insectes parasites ou des mauvaises herbes, les
nanocapsules et les microcapsules constituent un vecteur idéal d’armes
chimiques et biologiques. En raison de leur petite taille, les
nanocapsules d’ADN peuvent pénétrer dans le corps sans alerter le
système immunitaire, puis être activées par les mécanismes mêmes des
cellules et produire alors des composés toxiques. La plus grande
biodisponibilité et la meilleure stabilité des substances
nanoencapsulées dans l’environnement peuvent présenter des avantages aux
yeux des géants de la génétique, mais ces mêmes caractéristiques
peuvent en faire des armes de guerre biologique redoutablement
puissantes. En outre, en raison de leur meilleure
biodisponibilité,
une petite quantité du produit chimique suffit. Quand elle est programmée
pour répondre à des déclencheurs externes comme les ultrasons ou les
fréquences magnétiques, l’activation peut être contrôlée à distance,
laissant la porte ouverte à de sinistres scénarios. Les sociétés
d’agrochimie ou de semences pourraient-elles activer des déclencheurs à
distance pour entraîner une mauvaise récolte si l’agriculteur contrefait
le brevet de la société ou ne suit pas les méthodes de production
prescrites ? Que se passera-t-il si des nanocapsules contenant un
puissant composé sont déversées dans des réserves d’eau régionales par
un groupe terroriste ou un agresseur étranger ? Selon le Sunshine
Project, le « Groupe de l’Australie » (un groupe de 24 pays
industrialisés) a récemment proposé d’ajouter les technologies de
microencapsulation à une liste commune de technologies interdites
d’exportation vers des pays « indignes de confiance » de peur qu’ils ne
s’en servent comme armes biologiques. Les documents obtenus par le
Sunshine Project montrent également que l’armée américaine a alloué un
financement à l’université du New Hampshire en 1999-2000 pour qu’elle
développe des microcapsules contenant des produits chimiques corrosifs
et anesthésiants (destinés à faire perdre conscience). Ces documents
décrivent comment ces microcapsules peuvent être tirées sur une foule,
corroder l’équipement de protection puis s’ouvrir au contact de
l’humidité sur la peau de l’homme.
Des champs de blés au champs de bataille
«
L ’agriculture de précision », également appelée exploitation
localisée, désigne une poignée de nouvelles technologies de
l’information appliquées à la gestion commerciale à grande échelle.
II
- UN MONDE SOUS NANOSURVEILLANCE Déclenchables à distance et capables
de pénétrer dans lʼorganisme sans alerter le système immunitaire, les
nanocapsules pourraient constituer des armes de guerre biologique
redoutables. Tandis que des nanocapteurs informeraient en temps réel
des mouvements de troupe comme de ceux des populations civiles.
Que
se passera-t-il si des nanocapsules contenant un puissant composé sont
déversées dans des réserves d’eau par un groupe terroriste ou un
agresseur étranger ?
Les technologies de l’agriculture de
précision incluent, par exemple, les ordinateurs personnels, les
systèmes de positionnement par satellite, les systèmes d’informations
géographiques, le guidage automatisé des machines, les systèmes de
télédétection et les télécommunications. L ’idée que des milliers de
minuscules capteurs puissent être disséminés comme autant d’yeux,
d’oreilles et de nez invisibles à travers les champs agricoles et les
champs de bataille semble relever de la science-fiction. Mais il y a dix
ans, Kris Pister, professeur de robotique à l’université de Californie à
Berkeley, obtint un financement de la part de la Defense Advanced
Research Project Agency (DARPA) des États-Unis pour développer des
capteurs autonomes pas plus gros qu’une tête d’allumette. Faisant appel à
la technologie de gravure sur silicium, ces capteurs (grains de
poussière intelligents) seraient équipés d’une source d’alimentation
embarquée, dotés de fonctions de calcul et de détection d’autres
capteurs environnants et de communication avec eux. Ainsi, chaque
capteur s’auto- organiserait dans des réseaux informatiques ad hoc
capables de relayer des données à l’aide de la technologie sans fil
(c’est-à-dire, la radio). L ’intérêt immédiat de la Darpa dans ce projet
était de déployer des réseaux de grains de poussière intelligents en
terrain ennemi pour recueillir des informations en temps réel sur les
mouvements de troupe, les armes chimiques et autres conditions sur les
lieux d’affrontements sans avoir à risquer la vie des soldats. Toutefois,
comme cet autre projet révolutionnaire de la Darpa qu’est Internet, il
est rapidement apparu que ces minuscules systèmes de surveillance
auraient d’innombrables usages civils, depuis le contrôle des dépenses
d’énergie dans des immeubles de bureaux jusqu’au suivi de marchandises
tout au long d’une chaîne d’approvisionnement, en passant par la
surveillance des données environnementales.
Détecteurs d’anthrax
Avec
les avancées techniques constantes, les microcapteurs rapetissent
tandis que leurs possibilités augmentent. Les analystes de marchés
prédisent que le marché des capteurs sans fil pèsera 7 milliards de
dollars d’ici 2010. Les nanocapteurs faits de nanotubes de carbone ou de
nanoporte- à-faux (dispositifs de pesage équilibrés) sont assez petits
pour capturer et mesurer des protéines voire des molécules. Les
nanoparticules ou nanosurfaces peuvent être programmées de façon à
déclencher un signal électrique ou chimique en présence d’un contaminant
tel que des bactéries. D’autres nanocapteurs agissent en déclenchant
une réaction enzymatique ou en utilisant des nanomolécules ramifiées
appelées dendrimères comme sondes pour se fixer aux produits chimiques et
protéines cibles. Comme on pouvait s’y attendre, une bonne partie des
recherches sur les nanocapteurs financées par le gouvernement américain
vise à détecter de minuscules quantités d’agents de guerre biologique
tels que l’anthrax ou des toxines chimiques afin de contrer les attaques
terroristes
sur le sol américain et de prévenir les soldats des risques éventuels
dans les zones d’affrontements. Par exemple, le projet « SensorNet »
tente de déployer dans tous les États-Unis un réseau de capteurs qui
fera office de système d’alerte rapide en cas de menaces chimiques,
biologiques, radiologiques, nucléaires et explosives. Le SensorNet
intègrera des nanocapteurs, des microcapteurs et des capteurs
conventionnels dans un seul et unique réseau national couplé
rétroactivement à un réseau américain existant de 30 000 mâts de
téléphones portables, formant l’ossature d’un réseau de surveillance
national sans précédent. L ’Oak Ridge National Laboratory expérimente
actuellement SensorNet sur le terrain. Les laboratoires de la défense du
gouvernement américain tels que Los Alamos et Sandia élaborent
eux-mêmes ces nanocapteurs.
Nano-composant privilégié, l’ADN
Un
consortium international réunissant sept universités et centres de
recherche recherchent une alternative à la microélectronique à base de
silice par l’emploi des molécules d’ADN, qui pourraient rendre possible
une réduction par mille de la taille des système actuellement
manufacturés. L’université de Bilbao (UPV/EHU), au Pays basque,
participe à ce programme avec le groupe de recherche du professeur Angel
Rubio Secades, du département Physique de la matière. La nature
véritablement innovante du programme réside d’une part en l’utilisation
du potentiel de reconnaissance et d’auto-assemblement des sytèmes
biologiques, et plus spécifiquement par l’emploi de dérivés comme
l’ADN-G4, l’ADN-M ou l’ADN-PC qui manifestent un potentiel électronique
plus grand que l’ADN lui-même (qui est un isolant). D’autre part,
l’innovation consiste à combiner études chimiques de surface avec
techniques microscopiques de scannage et de spectroscopie, mesures de
conductibilité électrique, études sophistiquées théoriques et pratiques
des simulations informatiques portant sur la stabilité et les propriétés
des matériaux synthétisés et/ou motivant l’emploi de nouvelles
structures au potentiel plus important. C’est ainsi que se développe la
méthode de conception de ces nano- câbles en utilisant les dérivés
moléculaires. On parvient également de cette façon à maîtriser
l’interaction entre électrode et substrat moléculaires, recherchant une
com- préhension profonde des processus de conduction de ces nano-câbles
afin de reproduire des modèles d’équipements nanomoléculaires basés sur
ces dérivés de l’ADN
DE LʼINTELLIGENCE DANS LʼAIR Les chercheurs parlent de créer un «
environnement intelligent » dans lequel des capteurs percevront nos
besoins et déclencheront la réponse adéquate, arayant la grippe,
dépistant le cancer, prévenant la mort subite du nourrisson... La «
poussière intelligente » se dépose, en douceur, sur nos peurs.
Aujourd’hui,
les microcapteurs et nanocapteurs sans fil tels que ceux conçus par
Kris Pister (voir article page 17) font l’objet d’intenses recherches au
sein des grandes entreprises comme Intel ou Hitachi et sont au cœur du
développement dans tous les laboratoires américains de défense nationale
et dans des domaines aussi variés que la médecine, l’énergie et les
communications. Annoncés par The Economist, Red Herring et Technology
Review comme étant la « prochaine grosse révolution », les capteurs sans
fil omniprésents, intégrés aussi bien dans nos vêtements que dans les
paysages que nous traver-sons, pourraient fonda- mentalement altérer
notre relation aux produits de consommations courante, les services,
l’environnement et l’État. L’objectif est de développer ce que les
chercheurs appellent « une intelligence ambiante », des environnements
intelligents qui utilisent des capteurs et l’intelligence artificielle
pour prédire les besoins des individus et y répondre : des bureaux qui
ajustent l’éclairage et le chauffage tout au long de la journée ou des
vêtements qui changent de couleur ou de capacité thermique en fonction
de l’environnement extérieur.
Une poussière sur chaque ongle Les
grains de poussière de Kris Pister sont actuellement loin de l’échelle
nanométrique (ils sont environ de la taille d’une pièce de monnaie),
mais la licence d’exploitation de leur brevet a déjà été concédée à des
sociétés commerciales. En 2003, Pister a créé une société de «
poussière intelligente »,
Dust, Inc. Afin de donner un avant-goût de
ce que serait une société baignant dans l’intelligence ambiante, Kris
Pister émet les hypothèses suivantes : « En 2010, une particule de
poussière sur chacun de vos ongles transmettra en continu le mouvement
du bout de vos doigts à votre ordinateur. Votre ordinateur saura
interpréter vos gestes (saisir, pointer, cliquer, sculpter ou jouer de
la guitare virtuelle).
Des nano-nounous En 2010, les bébés ne
mourront plus du SMSN [syndrome de mort subite du nourrisson], ne
s’étoufferont plus et ne se noieront plus puisque les parents auront été
préalablement alertés du danger.
Comment la société va-t-elle
évoluer quand la piscine de vos voisins [sic] appellera sur votre
téléphone portable pour vous dire que Johnny est en train de se noyer et
que vous êtes l’adulte le plus proche ayant pu être localisé ? En 2020,
il n’y aura plus aucune maladie imprévue. Des implants de capteurs
chroniques contrôleront tous les principaux systèmes circulatoires du
corps humain, et vous préviendront de l’imminence d’une grippe ou vous
sauveront la vie en détectant un cancer assez tôt pour qu’il puisse être
totalement enlevé par voie chirurgicale. »
Grâce aux puces à ADN, il
est possible d’analyser et de manipuler instantanément des échantillons
biologiques tels que le sang, les tissus et le sperme. Dans moins de
cinq ans, les puces à ADN seront devenues une technologie courante en
génomique et découverte de médicaments et elles s’orientent déjà vers
des applications Des implants de capteurs chroniques vous préviendront
de l’imminence d’un virus, et les bébés ne s’étoufferont plus, les
enfants ne se noieront plus dans les piscines puisque les parents
auront été alertés.
NANOGUÉRISONS À LʼHORIZON Médicaments mieux
diffusés, analyses génomiques plus poussées…, les nanotechnologies
ouvrent à la médecine de nouvelles perspectives en matière de traitement
et de diagnostic.
Des diagnostics précoces
commerciales de soins
de santé et de sécurité alimentaire. Une puce à ADN (ou microréseau) est
un système habituellement composé de centaines voire de milliers de
brins courts d’ADN artificiel déposés avec précision sur un circuit en
silicium. Dans les jeux ordonnés d’échantillons, chaque brin d’ADN agit
comme une sonde sélective et émet un signal électrique quand il se lie à
un matériau dans un échantillon (par exemple, du sang). Un peu comme
quand on recherche un mot dans une séquence de texte, la puce à ADN est
capable de faire part des séquences génétiques découvertes à partir des
sondes à ADN qu’on lui a incorporées. Les puces à ADN les plus célèbres
sont celles produites par Affymetrix, la société inventrice de cette
technologie qui fut la première à produire une puce à ADN analysant un
génome humain entier sur un seul support de la taille d’une pièce de dix
centimes. Outre les puces à ADN, il existe d’autres variantes capables
de détecter de minuscules quantités de protéines et produits chimiques
dans un échantillon, chose utile pour déceler des maladies ou des agents
de guerre biologique. Des sociétés telles qu’Agilent (Hewlett-Packard)
et Motorola commercialisent déjà des machines d’analyse de puces à ADN
de la taille d’une imprimante à jet d’encre, chacune étant capable de
traiter jusqu’à 50 échantillons en une demi-heure environ.
La moitié
des ventes de médicaments en 2010 Le domaine de la nanomédecine offre des
promesses encore plus époustouflantes de nouveaux diagnostics et
traitements ainsi que des perspectives d’amélioration des performances
humaines. Selon la Fondation nationale des sciences des États-Unis, la
nanotechnologie devrait représenter environ la moitié des ventes de
l’industrie pharmaceutique en 2010. Ce que l’on dit moins, c’est que la
même chose risque de se produire sur le marché de la santé animale –
soit que les nanotechnologies feront leurs preuves en médecine soit que
ce marché servira de terrain d’essai à des approches plus controversées
de la nanomédecine, telles que l’utilisation de nanocapsules d’ADN. Des
sociétés telles que SkyePharma, IDEXX et Probiomed élaborent
actuellement des applications vétérinaires de nanoparticules. Les
produits nanopharmaceutiques autorisés
pour un usage vétérinaire
doivent aussi être minutieusement testés et contrôlés afin d’éviter
qu’ils n’entrent dans la chaîne alimentaire. On ne sait pas comment les
nanoparticules subsistent et se déplacent dans le corps, ni si elles
peuvent migrer dans le lait, les œufs et la viande. Les produits
pharmaceutiques vétérinaires existants devront être réévalués par les
organismes de réglementation s’ils sont reformulés à l’échelle
nanométrique puisque les propriétés des matériaux peuvent changer à
cette taille. Les soins de santé étant de plus en plus motivés par les
résultats, l’usage futur de puces implantables pour une administration
de médicaments automatisée pourrait devenir économiquement préférable
aux soins infirmiers. En ce qui concerne les personnes âgées ou celles
présentant des capacités cognitives différentes ou un état nécessitant un
traitement régulier, des questions éthiques risquent de surgir pour
savoir à qui appartiendra la décision d’équiper une personne d’un «
système à injection ». La distribution automatisée de médicaments
pourrait permettre à certaines personnes de conserver leur indépendance
au lieu d’être placées dans un établissement..La faculté d’imager et
d’isoler des molécules biologiques à l’échelle nanométrique ouvre la
voie à l’élaboration de médicaments plus ciblés, à un criblage génomique
bien plus rapide ainsi qu’à un examen des composés permettant d’évaluer
leur aptitude à être utilisés comme médicaments. Les compagnies
pharmaceutiques s’intéressent tout particulièrement à l’usage des puces à
ADN et systèmes microfluidiques capables de déceler des différences
génétiques dans les tissus de façon à pouvoir concevoir des médicaments
génétiquement ciblés (pharmacogénomique). Les nanoparticules, qui se
déplacent facilement d’un endroit à l’autre du corps, peuvent être
utilisées à des fins de diagnostic. Les points quantiques (nanocrystaux
de sélénide de cadmium qui prennent différentes couleurs fluorescentes
selon leur taille) présentent un intérêt tout particulier. Les points
quantiques peuvent être fonctionnalisés
de façon à marquer
différents composés biologiques, tels que les protéines ou les brins
d’ADN, avec des couleurs spécifiques. Ainsi, il est possible de dépister
rapidement dans un échantillon de sang certaines protéines pouvant
indiquer une plus forte propension à telle ou telle maladie. Les
médicaments eux-mêmes sont censés rapetisser. Les nanostructures ont
l’avantage de pouvoir se glisser dans le système immunitaire et franchir
les barrières (par exemple, la barrière hémato-encéphalique ou la paroi
stomacale) dont le corps se sert pour se protéger des substances
indésirables. Les composés pharmaceutiques reformulés en nanoparticules
atteignent non seulement des parties du corps que les formulations
actuelles ne peuvent pas atteindre, mais leur aire spécifique étendue
peut également les rendre plus actifs d’un point de vue biologique. Une
meilleure biodisponiblité signifie que des concentrations plus faibles de
composés pharmaceutiques coûteux suffiront, avec sans doute moins d’effets
secondaires. Les nanoparticules peuvent également être utilisées comme
transporteurs permettant d’introduire subrepticement dans le corps des
composés qui leur sont attachés. Les compagnies nanopharmacologiques de
premier plan telles que SkyePharma et Powderject (désormais filiale à
cent pour cent de Chiron) ont mis au point des méthodes permettant
d’administrer des produits pharmaceutiques sous forme de nanoparticules à
travers la peau ou par inhalation. En Floride, des chercheurs
travaillent sur des systèmes de nano-distribution diffusant des
médicaments à travers l’œil à partir de lentilles de contact
spécialement imprégnées. Comme avec les pesticides, le grand intérêt
réside dans la diffusion contrôlée. Bon nombre des grosses compagnies de
pharmacologie humaine et animale travaillant sur des nanomédicaments
utilisent les technologies d’encapsulation telles que les nanocapsules
pour inoculer subrepticement des composants actifs dans le corps. Les
capsules peuvent être fonctionnalisées de façon à se fixer à des endroits
spécifiques du corps, ou être activées par un déclencheur externe, tel
qu’une impulsion magnétique ou un ultrason. Le ministère américain de
l’Agriculture compare ces nanocapsules médicamenteuses fonctionnalisées,
appelées ‘‘systèmes de distribution intelligents’’, au système postal,
où des ‘‘étiquettes d’adresse’’ à code moléculaire garantissent
l’arrivée à bon port du produit pharmaceutique emballé. Outre les
capsules, on utilise d’autres nanomatériaux pour diffuser les médicaments
: • Le BioSilicon est un nanomatériau à base de silicium fortement
poreux, capable de diffuser lentement un médicament sur un certain laps
de temps. Développée par la compagnie australienne pSivida, la
technologie BioSilicon sert à confectionner de minuscules capsules (à
avaler) ainsi que de minuscules aiguilles pouvant être incorporées dans
un timbre pour percer invisiblement la peau et diffuser des médicaments.
• Les fullerènes, ou ‘‘molécules miracle’’ de la nanotechnologie (les
ballènes et les nanotubes de carbone font partie de cette catégorie de
molécules de carbone), sont des cages creuses de soixante atomes de
carbone de moins de deux nanomètres de
large. Comme elles sont
creuses, les compagnies pharmaceutiques envisagent de remplir les
fullerènes de composés pharmaceutiques puis de les fonctionnaliser afin
qu’elles se fixent à différentes parties du corps. • Les dendrimères sont
des molécules ramifiées qui présentent une structure hiérarchique et
s’imposent comme l’un des outils les plus populaires de la
nanotechnologie. En raison de leur forme et de leur taille
nanométrique, les dendrimères offrent trois avantages en matière de
diffusion de médicaments : premièrement, ils peuvent contenir les
molécules d’un médicament dans leur structure et servir de vecteur ;
deuxièmement, ils peuvent entrer facilement dans les cellules et libérer
les médicaments sur la cible ; troisièmement, et c’est le plus
important, les dendrimères ne déclenchent aucune réaction du système
immunitaire. • Les nanocapsules d’ADN font entrer subrepticement des
brins d’ADN viral dans les cellules. Une fois la capsule décomposée,
l’ADN pirate la machinerie cellulaire pour produire des composés que
l’on s’attendrait à rencontrer en cas d’attaque virale, alertant ainsi
le système immunitaire et l’incitant à les reconnaître. La technologie
des nanocapsules d’ADN pourrait également être utilisée pour pirater les
cellules vivantes afin de produire d’autres composés tels que de
nouvelles protéines ou toxines. Par conséquent, il faut les surveiller
de près en tant qu’éventuelle technologie de guerre biologique.
Enfin,
les nanotechnologies pourraient fournir à l’industrie pharmaceutique
l’opportunité d’inonder le marché d’un torrent de composés
médicamenteux, nouveaux et anciens. Réduire les médicaments existants à
l’échelle nanométrique promet non seulement des profits et des brevets,
mais offre aussi la perspective de ressusciter des médicaments qui sous
leur forme classique n’avaient pas réussi les essais cliniques. En
encapsulant des composés pharmacologiquement actifs et en certifiant
qu’ils viseront un endroit bien spécifique du corps, les compagnies
pourraient prétendre qu’il n’y a plus d’effets secondaires généraux à
redouter et que les anciennes évaluations de sécurité ne sont plus
d’actualité.
NEXUX MAGAZINE
by supra-xerox 2019.
Dernière édition par xerox le Sam 9 Mar 2019 - 0:48, édité 1 fois
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